C’est aussi le recueil d’une floraison de textes (de Rilke, Bonhoeffer, du Talmud…) surtout poétiques et spirituels vraiment magnifiques.

Premier thème : la résonance. Ce qui résonne (un visage, un propos, un morceau de musique), c’est ce qui produit un « effet » (dans le sens de « cela me fait de l’effet »), on pourrait dire aussi une vibration, un retentissement, un écho. Cet « effet » nous porte et nous élève vers un au-delà, un invisible, un infini. On est interpelé par de l’inconnu. En fait c’est le « sacré » qui suscite cette résonance. Et F. Perdrizet cite Norge : « J’appelle ‘sacré’ ce qui suscite une perception instinctive d’un ‘tout’ à travers du divers, d’un ‘ailleurs’ derrière l’apparence ». On est proche de la notion de sublime chez E. Kant. Et F. Perdrizet analyse de manière très fine la poésie et la prière comme des porteurs de résonance, comme des formes de « reliement » à l’Au-delà de tout.

Dans un deuxième temps, F. Perdrizet traite de la dignité, cette notion étant étendue à tous les êtres vivants. Reconnaître cette dignité des animaux et des plantes, c’est une manière de resituer l’homme à son humble place au sein de l’ensemble de la création ; c’est reconnaître ces êtres vivants comme des créatures de Dieu ; c’est témoigner d’une forme de gratitude pour le don qu’ils constituent ; c’est aussi témoigner d’une sollicitude (celle de ceux qui ont la « main verte ») à leur égard ; et c’est enfin témoigner d’un « résister » par rapport à tout déclassement de cette dignité.

Vient ensuite une troisième partie sur la reconnaissance. Reconnaître, c’est d’abord identifier (reconnaître un ami que l’on n’a pas vu depuis longtemps) ; c’est aussi accepter, admettre (reconnaître pour vrai un fait) ; et c’est enfin éprouver de la reconnaissance, de la gratitude.

L’imbrication des trois sens est significative. Reconnaître l’autre, c’est se refuser à le chosifier, à l’instrumentaliser, à le posséder. C’est passer du désir d’être soi-même reconnu à la gratitude vis-à-vis de l’autre « hors de prix » et également, dans son mystère, hors de toute connaissance. La reconnaissance précède la connaissance.

La reconnaissance-gratitude est une attitude a priori, on pourrait dire « pour rien ». Cette reconnaissance est une forme de générosité gratuite comme celle qui consiste à enterrer une morte avec sa bague de diamant. Et F. Perdrizet a cette formule merveilleuse : Dieu est le portemanteau auquel on accroche cette reconnaissance « pour rien » et aussi « pour tout », sans distinction aucune.

À noter aussi le chapitre sur le ressentiment, ce frère maudit de la reconnaissance (« ressentiment », au temps de Molière, signifiait « souvenir reconnaissant »). Le ressentiment a des causes multiples ; il se manifeste en particulier vis-à-vis de celui envers qui on est objectivement en dette, ce qui vous met en devoir d’être reconnaissant, ce que l’on supporte mal par amour propre.

L’A. insiste aussi sur le fait que la reconnaissance, dans les divers sens de ce mot, implique non seulement la tendresse et l’humilité («  Nous sommes des nains assis sur les épaules de géants », B. de Chatres), mais aussi (comme le dit Simone Weil) un engagement pour la justice à rendre et pour la dignité de l’autre.

Bref, un ouvrage qui vous porte et vous apporte aussi beaucoup, entre autre par ses magnifiques citations.