Co-réalisé par la réalisatrice et journaliste d’origine ukrainienne Anastasia Mikova et le photographe et environnementaliste français Yann Arthus-Bertrand, WOMAN est un sublime documentaire touchant et même souvent bouleversant, à la fois profondément drôle et immensément triste. Ce film part d’un principe assez simple : des femmes du monde entier et de tous horizons parlent de ce que signifie, pour elles, être une femme. Un documentaire qui fait partie d’un projet éponyme bien plus large, donnant la parole à 2 000 femmes dans 50 pays différents, qui s’inscrit dans le prolongement de HUMAN. Les femmes parlent directement à la caméra et à la première personne. Les histoires sont divisées et regroupées en thèmes qui traitent de tant de facettes de l’existence humaine et des femmes en particulier comme la maternité, l’éducation, le mariage et l’indépendance financière, mais aussi les règles et la sexualité. 

Ce film nous amène aux quatre coins du monde à la rencontre de toutes ces femmes aux parcours de vie différents, façonnées par leur culture, leur foi ou encore leur histoire familiale. Ce documentaire est conçu pour informer et éduquer. Le superbe montage juxtapose des histoires heureuses et des histoires tristes pour donner une vue d’ensemble. Les réalisateurs créent un film émotionnel en s’assurant que le tempo ne soit pas monotone, oscillant entre des moments lourds et légers dans une harmonie parfaite. Ce, qu’hélas, certaines présentations simplistes ne laissent pas imaginer ne mettant en avant que les aspects durs des témoignages…

Basé sur des entretiens individuels rassemblant des centaines de témoignages de femmes très différentes, allant de la cheffe d’État à la reine de beauté en passant par une chauffeuse de bus ou des paysannes travaillant dans des régions reculées, le film dresse un tableau le plus complet possible de ce que signifie être une femme dans le monde d’aujourd’hui. Le premier témoignage est un véritable coup de poing. Il porte sur des abus sexuels. Mais plutôt que d’être un signe avant-coureur d’un ton lourd, c’est un indicateur que ce film ne recule devant aucun sujet. Il oscille entre les questions visant à rechercher des histoires tragiques et celles qui sont à la recherche du bonheur. Une séquence particulièrement belle montre une série de femmes qui rient lorsqu’on leur demande de parler de leurs relations sexuelles. À plusieurs reprises d’ailleurs, l’utilisation de montages de rires de femmes, de visages rayonnant venant l’un après l’autre, est suffisant et a la même puissance que n’importe quelle parole. Un moment des plus émouvant vient d’une veuve qui parle de son mari, de son regard amoureux et de sa propre souffrance aujourd’hui pour arriver à continuer à vivre et s’accepter. Il y a cette femme qui a découvert une carte de visite de prostituée dans le portefeuille de son mari et qui, avec un formidable humour, raconte ce moment tragique qui a en fait bouleversé sa vie. Et puis, on peut pas taire ces récits glaçants d’excision, de petites filles terrifiées, et dont on entend encore les cris dans les voix de celles, devenues adultes, qui les racontent. Le fait que l’on puisse voir et entendre ces femmes être, déjà tout simplement, mais aussi parler, témoigner, est foncièrement pertinent et juste. Et cela prend aussi sens tout particulièrement dans plusieurs séquences où elles évoquent le vieillissement, la beauté et la défiguration, conséquence de violences monstrueuses parfois.

Malgré le titre, ce n’est pas un film complètement dépourvu d’hommes ; il y a des images de couples hétérosexuels et on parle aussi beaucoup d’eux… Mais surtout, comme le titre le suggère, ce film s’attache à donner la parole aux femmes. Des femmes du monde entier et de différents milieux qui parlent franchement des hommes et de l’effet, bon ou mauvais, que peut avoir sur eux le fait d’être en couple, à la maison ou au travail. Les portraits et commentaires sont divisés en chapitres par de superbes images tournées par les cinéastes, qui permettent d’entrer discrètement et intelligemment dans de nouvelles thématiques. Rien n’est écrit distinctement mais on comprend très vite, généralement, la nouvelle direction proposée. Le photographe Peter Lindbergh, la géniale compagnie de danse BANDALOOP, le compositeur Armand Amar et la voix à la fois douce et puissante, rauque et envoûtante d’Imany apportent tous leur contribution. Le montage est superbe, créant l’illusion de la simplicité alors qu’il est clair que tisser les différents éléments pour créer un ensemble cohérent a dû être une tâche monumentale.

En plus du film, un livre, publié aux éditions de la Martinière, ainsi qu’une exposition ont été réalisés à partir des milliers de  témoignages recueillis pour WOMAN. L’exposition immersive aura lieu à la Villette à partir du mois d’avril 2020. 

Mais en attendant, foncez voir le film… un véritable hymne à la femme, et aux femmes qui s’écrit précisément au-travers du récit individuel devenant aussi celui du collectif, Woman devenant Women comme le laisse suggérer le visuel du projet. Un résultat qui forge le respect… qui nous permet de rire avec elles, parfois pleurer, crier voire même hurler de colère… qui nous amène à réfléchir avec elles, qui nous bouge sur des convictions par certaines de leurs réflexions… et qui surtout nous font admirer leur force, leur résilience, leur courage, leur intelligence et leur humour.  Qu’elles sont belles et fortes ces femmes !