Cette histoire d’un lépreux avait su toucher les émotions et faire du bien… même si, finalement, aucun prix ne récompensa cette jolie œuvre.

Après la mort de sa femme, Beshay, lépreux guéri mais défiguré par les stigmates de la maladie, décide de quitter sa léproserie de toujours pour rechercher sa famille qui l’a abandonné quand il était jeune enfant. Commence alors pour lui, une longue route parsemée de rencontres, d’embûches, de toutes sortes de situations joyeuses ou difficiles, où il ne sera pas seul mais devra se confronter aux choses enfouies au plus profond de lui, en quête d’une famille, d’un foyer, d’un peu d’humanité… 

Si les premières minutes m’avaient laissé un peu perplexe, très vite les doutes furent chassés et je me suis retrouvé embarqué dans cette histoire d’une grande beauté. Une beauté qui ne se joue pas ici dans l’apparence, dans le visible… Une beauté qui se découvre dans l’épaisseur des personnages, derrière les blessures physiques, derrière les détritus qui peuvent devenir une montagne, derrière des histoires pétries de souffrance et d’accidents de la vie. C’est au plus profond de l’âme que se dévoile la force de Beshay, ce petit bonhomme attendrissant, d’Obama son jeune compagnon, et de quelques autres éclopés rencontrés par hasard.

Abu Bakr Shawkya su trouver la justesse en touchant les cœurs mais sans tomber dans le pathos. Il filme sans complaisance, et propose là une sorte de road trip initiatique. Je dis « une sorte » car n’imaginez pas le road trip à l’américaine… ici pas de voiture emblématique mais une charrette tirée par un âne qui laissera place à toutes sortes d’autre engins sur des chemins rudes et secs.Un road trip, donc, émouvant et surtout engagé, porté par un extraordinaire acteur non-professionnel, qui au passage, notons-le, est un véritable ancien lépreux. On ressent chez A.B. Shawky ce soin de défendre les exclus. Plusieurs scènes sont marquantes à cet égard, avec même une restitution d’une certaine « cour des miracles », là où vivent ces gens situés sur la marge, oubliés physiquement et rejetés socialement, mais auxquels le cinéaste redonne une vraie dignité que d’autre ont voulu leur ôter.

Mais n’imaginait pas non plus un film glauque ou ayant tendance à prendre en otage le spectateur. Yomeddine est un film intègre qui a choisi de se dérouler sur le ton de la comédie, qui a choisi ce que j’appellerai la gaieté sincère comme marque de fabrique. C’est ainsi qu’il peut nous rejoindre tous et devenir un pur divertissement familial fait de personnages sympathiques, d’images colorées et lumineuses au rythme d’une musique très agréable en nous interpellant sur le sens profond du bonheur.

Un film qui fait du bien disais-je, qui montre encore que le cinéma peut parfois se permettre de toucher, de faire réfléchir, de jouer ainsi l’un de ses rôles primordiaux à l’égard du spectateur, sans grands moyens, sans stars patentées, et même avec quelques faiblesses cinématographiques, mais surtout avec grâce, sourire et délicatesse.