Pouvez-vous vous présenter et nous parler du virage que vous vivez ?
Agé de 54 ans, Pasteur et fonctionnaire territorial depuis 30 ans (dont 15 ans après une mutation à Paris), je cumulais les deux activités mais mon corps n’arrivant pas à suivre mes pensées, j’ai dû faire un choix décisif. Lorsqu’après 10 ans comme pasteur adjoint dans une église locale à Mâcon, j’arrive à Paris en 2001, tout change dans mon ministère pastoral. Le premier changement consiste à ne pas “ouvrir” une église selon le vocable “évangélique” mais de fonder une association “Paris Tout Est Possible” qui organiserait des événements majeurs ouverts à tous et surtout à mes frères catholiques qui représentent près de 75 % du public. C’est alors que le Seigneur me demanda d’aimer les catholiques de la même manière que lui m’aimait, sans condition. J’ai répondu : “tu veux ma mort !” Oui, la mort à ma suffisance, à mon arrogance, à mon orgueil. J’ai appris à connaître les catholiques, à les apprécier et à apprendre d’eux, bref à découvrir l’Eglise sans frontière « sur la terre comme au ciel ».
En cette année exceptionnelle, trois Jubilés sont fêtés : pour les juifs, Yom Yeroushalaïm, célébration des 50 ans de la réunification de la ville, pour les catholiques, le Jubilé d’or, les 50 ans du Renouveau charismatique, et pour les protestants, les 500 ans de la Réforme. C’est dans ce contexte que j’ai décidé de joindre radicalement les actes aux mots, et de passer de fonctionnaire à missionnaire en juin 2017. C’est pour moi comme un signe prophétique puisqu’aujourd’hui tout le monde s’accorde à dire que la France a besoin plus de missionnaires que de fonctionnaires, pour autant fallait-il l’incarner. Notre pays est devenu la première terre de mission en Europe, proportionnellement à sa population.
J’ai donc démissionné de la fonction publique du Conseil Régional IDF pour être missionné à l’évangélisation dans l’unité partout en Francophonie et en France particulièrement. Ce défi, je le relève par la grâce de Dieu.
Que signifie pour vous l’identité protestante, y compris sa tendance évangélique ?
Je suis devenu chrétien en 1981 dans une Église évangélique de style piétiste, mon identité est dans le Christ mais ma culture d’Église est profondément protestante, fondamentalement évangélique dans sa confession et charismatique dans le style de vie. Je ne suis pas un nostalgique du temps glorieux de la Réforme en France. Ma culture protestante est moderne et contemporaine, en phase avec notre société en quête de bonheur. Etre protestant, c’est un avantage dans l’inconscient collectif des français « lambda », selon ce que j’entends régulièrement dans les débats d’opinion. Ce Dieu que nous rencontrons, avec lequel nous avons une relation personnelle, qui nous sauve, nous libère, nous guérit et nous pousse vers le prochain dans cette simplicité que nous procure la Parole de Dieu, voilà mon protestantisme d’aujourd’hui : un Jésus proche qui pardonne à la seule prière faite en son Nom.
Vous êtes depuis longtemps une figure de proue du Renouveau charismatique. Comment jugez-vous l’évolution du mouvement au cours des 20 dernières années ?
Depuis toutes ces années, le Renouveau a touché toutes les Églises et tous les courants protestants, cette grâce donnée par l’Esprit Saint à ceux qui le prient, ne cesse de grandir surtout dans la louange (lever les mains, danser, pousser des cris de joies), attitudes devenues presque normales dans tous les rassemblements et conférences dans la mesure où, une vraie ferveur s’empare des chrétiens qui sont heureux non seulement d’être ensemble mais de prier, et d’ évangéliser ensemble . L’évolution est croissante et l’arrivée de nombreux chrétiens venus d’Afrique ne fera qu’accroitre l’expansion et c’est tant mieux !
Quel est le profil des publics qui viennent aux rencontres du type Paris Tout est Possible ?
Certains sont en recherche, d’autres en découverte, parisiens, banlieusards issus de toutes les couches de la population. Nos rencontres ne sont pas ethniques, mais ouvertes à tous sans exclusion, le choix des orateurs et mon style de présidence de la grande assemblée de prière favorisent la rencontre de chrétiens prêt a découvrir les autres communautés. Nos rencontres estivales attirent des personnes en marge de la société qui demandent le baptême sans préparation au préalable et sont touchés par la grâce du Seigneur.
Quel regard portez-vous sur la francophonie protestante ? Au fil des années, avez-vous rencontré une manière francophone de vivre la foi ?
Nous avons besoin des uns et des autres et nul ne peut dire “ je n’ai pas besoin de toi », c’est une réalité biblique. Je suis pleinement en accord avec une annonce méthodique du plein évangile, avec sa dimension de puissance par le Saint Esprit mais ceci doit s’accompagner du fruit de l’Esprit et d’humilité afin de nous garder dans la simplicité de l’annonce de cet Évangile. Je suis fier de faire partie de cette grande famille protestante, toutefois certains slogans m’inquiètent un peu. Les points faibles se manifestent : les titres à rallonge de certains ministères, une surenchère de qualificatifs triomphants. Mais il vaut mieux accompagner que de sanctionner. Pour ce qui est de la prière de guérison ou de délivrance notre honnêteté spirituelle nous pousse a reconnaitre que le taux de guérisons reste faible mais bien réel et nécessaire cela n’enlève rien à la foi que de le dire. Les besoins de délivrance n’ont jamais été aussi forts.
Les points forts à noter : le ministère de l’annonce de la Parole est à la portée de beaucoup, ce qui révèle de vrais talents donnés à l’Eglise, l’implantation d’églises avec un témoignage fort dans les zones les plus démunies, l’évangélisation des places et des rues du pays aussi bien que dans les transports en commun, surtout à Paris, est remarquable. J’ai l’impression que les francophones ont aujourd’hui une nouvelle influence à l’international. Mes rencontres régulières avec l’AIMG en Suisse montrent un intérêt grandissant. Je pourrais souligner aussi les échanges avec Bruxelles avec le Docteur Célestin Kibutu, un des orateurs africains les plus respecté et écouté. Paul Goulet, des Etats-Unis, a fait une prédication remarquable en français à Paris. L’infatigable Jean Turpin du Québec m’a beaucoup touché par sa constance sans faille, et que dire de mon ami Marcel Kouamenan qui circule entre Europe, Afrique et les Antilles où il est solidement installé depuis des années. Ces amis, et d’autres, nous poussent sans cesse à de nouvelles relations francophones. Une montée en puissance s’observe aujourd’hui dans la francophonie, qui s’enracine dans le travail de pionniers comme Jean-Louis Jayet, auquel je rends hommage : il a été l’un des premiers, avec Philippe Joret et quelques autres, à ouvrir de nouveaux chemins entre francophones. Il est respecté dans de nombreux pays pour le fruit visible son travail en Afrique. La langue de Voltaire peut se conjuguer avec un Évangile décomplexé ! Victor Hugo nous avait prévenus, « Dieu c’est l’incompréhensible incontestable. »