Depuis le 25 août, plus de 600 000 Rohingyas ont fui la Birmanie pour le Bengladesh voisin. Ces réfugiés musulmans ont tout laissé derrière eux pour échapper aux exactions, ayant vu des proches se faire tuer sous leurs yeux, perdu des enfants en chemin. À leur arrivée, les camps de réfugiés gérés par le gouvernement bangladais ne suffisent plus à les accueillir. Nathalie Fauveau, de l’organisation humanitaire évangélique Medair, a passé un mois sur place pour évaluer les besoins : « À travers les interventions d’urgence de Medair dans le monde, j’ai rencontré beaucoup de gens en souffrance. Mais là-bas, ce qui m’a marquée, c’est la tristesse des femmes et des enfants. J’ai rarement vu des victimes pleurer avant cela, ce qui n’est pas du tout commun dans la culture musulmane. Ces femmes sont traumatisées et vivent dans des conditions complètement précaires. Mais elles sont déterminées à survivre. »

Ces réfugiés viennent s’ajouter aux 300 000 déjà arrivés depuis 25 ans dans les camps gouvernementaux du Bengladesh. Nul ne sait quel avenir les attend dans un pays qui ne les autorise pas à quitter leurs camps et ne leur permet ni d’aller à l’école ni de travailler. Trois mois après le début de la crise, les organisations caritatives internationales s’emploient à répondre aux besoins d’urgence.

Medair intervient dans le camp spontané de Thaingkali, au sud du camp gouvernemental Kutupalong, dans le district de Cox’s Bazar. Ce camp de fortune est l’un des moins accessibles à l’aide humanitaire et rassemble aujourd’hui 29 000 réfugiés. Soutenu administrativement par l’organisation chrétienne World Concern installée sur place, Medair a enfin eu le feu vert gouvernemental mi-novembre pour distribuer ses kits d’urgence prévus pour 22 500 personnes : bâches et cordes pour construire des abris et produits d’hygiène. « On n’a jamais vu ça dans les réponses d’urgences », constate Nathalie Fauveau. « Normalement, les ONG étrangères peuvent intervenir au bout d’une semaine. » Une équipe de Medair conçoit en parallèle un projet de nutrition de quelques mois, « car il y a peu de structures de santé dans les camps et les mamans arrivent épuisées et incapables de nourrir leurs bébés ».

Act Alliance intervient des deux côtés de la frontière

Le 25 octobre, l’organisation œcuménique Act Alliance a lancé un appel pour rassembler 3,6 millions de dollars afin de déployer son programme de soutien aux Rohingyas pendant deux ans. Abris, nourriture, accès à l’eau et à l’hygiène, programmes de santé et nutrition, soutien psychologique, protection… Son objectif est de venir en aide aux Rohingyas des deux côtés de la frontière à travers son réseau d’églises et d’associations implantées sur place. Elle prévoit de porter assistance à 60 000 familles et 112 000 individus réfugiés dans l’État de Cox’s Bazar au Bengladesh ainsi qu’à 21 000 familles et 15 000 individus du côté birman, dans l’État de Rhakin où ont lieu les persécutions. Dix organisations caritatives ont déjà répondu présentes pour soutenir cette intervention.

Fin octobre, Rudelmar Bueno de Faria, secrétaire général d’Act Alliance, a rendu visite à ses partenaires en Birmanie, Christian Aid (ONG de 41 églises britanniques et irlandaises) et la Fédération luthérienne mondiale, pour évaluer la situation et les difficultés de travailler là-bas. « Les ONG n’ont pas été en mesure d’évaluer la situation de manière indépendante », regrette-il. Le Brésilien prévient que la crise en Birmanie va au-delà de la communauté Rohingya. « Il y a aussi d’autres minorités qui ont besoin d’aide humanitaire dans l’État de Rakhin. Et la situation pourrait dégénérer pour d’autres groupes ethniques dans l’État voisin de Kachin d’ici quelques mois. » Pour le responsable protestant, c’est maintenant à la communauté internationale de prendre le contrôle sur le sujet.