Depuis début septembre et la publication dans les médias de la photo du petit Aylan, la société civile et les médias européens ont pris conscience du drame quotidien des centaines de milliers d’enfants, d’hommes et de femmes, qui frappent à la porte de notre continent fuyant la mort dans leur propre pays. L’arrivée massive de ces migrants et réfugiés a exacerbé les fragilités et les insuffisances de la politique de l’Union européenne, aggravées par les enjeux électoraux nationaux des responsables politiques. Quelques voix se sont cependant fait entendre dans ce concert médiatique pour rappeler l’Europe à ses devoirs d’accueil et d’hospitalité envers celles et ceux qui risquent leur vie en restant derrière nos frontières. Parmi ces voix, souvent dans la discrétion, les Églises ont redit l’importance de la vie humaine et de sa protection, tout en étant parmi les premiers réseaux à se mobiliser pour accueillir effectivement des réfugiés.

Appeler et sensibiliser

Les organismes proches des Églises qui travaillent à l’accompagnement et à l’accueil des migrants et des demandeurs d’asile tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps. C’est ainsi que la Cimade et la FEP ont pu signer début septembre dans un courrier adressé à François Hollande : Monsieur le Président, l’émotion provoquée dans l’opinion par les images récentes, nous la ressentons depuis des années… Ailleurs en Europe, les Églises tentent aussi, régulièrement, de sensibiliser l’opinion publique sur ces questions cruciales. De façon prémonitoire, avant l’explosion médiatique de la fin de l’été, les Églises catholique et protestantes allemandes, lançaient un appel le 17 juin dernier, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés de l’ONU : Les hommes de Syrie et d’Irak ont besoin de notre aide et de notre solidarité. Elles concluaient cet appel par : la plus grande catastrophe, c’est l’oubli, un appel à entendre sans doute à nouveau maintenant que l’attention des médias s’est détournée des rivages de la Méditerranée.

S’engager et mobiliser

L’émotion citoyenne du début septembre a aussi permis aux Églises de franchir un cap, les propositions d’accueil concret de réfugiés et de mise à disposition de logements s’étant multipliées. Les pasteurs d’Autriche lançaient, dès le 2 septembre, un appel à leurs Églises pour qu’elles ouvrent leurs portes et leurs coeurs. L’appel du Pape François, le 6 septembre, a aussi permis d’appeler les fidèles des Églises à se mobiliser dans cet accueil. François demandait à chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère, chaque sanctuaire d’Europe d’accueillir une famille de migrants. Partout en Europe, cet appel a été relayé. Les Églises fribourgeoises, catholique et protestantes, se sont unies pour que leurs 200 paroisses et communautés se mobilisent pour fournir un logement et un accompagnement pendant 6 à 12 mois à des réfugiés déjà présents en Suisse, de façon à libérer des places en centres de requérants d’asile, et ainsi permettre l’accueil de nouveaux réfugiés dans le pays. Ces appels et ces engagements ne doivent cependant pas faire croire que les Églises vivent cet accueil plus facilement que les autres composantes de la société civile. Ainsi, du côté de l’Église protestante de Genève (EPG) par exemple, si l’on affiche une volonté d’accueil : il est de la responsabilité des Églises de s’intéresser à la question de la migration, selon Emmanuel Fuchs, président du Conseil du consistoire de l’EPG, la mise en œuvre paraît moins évidente… L’EPG a en effet posé trois conditions à cet accueil : qu’il soit temporaire, placé sous la responsabilité de l’État et que les requérants expliquent pourquoi vouloir se loger dans un lieu d’Église plutôt que dans une salle de gym ! Trois conditions qui n’ont à ce jour jamais été remplies…