C’est à l’initiative de l’association des protestants du Palais (entendez, le Palais de justice de Paris), que l’actrice Alice Taglioni a accepté de répondre à quelques questions sur sa foi, fin janvier. Un échange tout en délicatesse, éclairé par Brice Deymié, pasteur de l’Eglise protestante unie et aumônier national des prisons.
Dans un milieu – celui du cinéma – réputé exubérant, comment la foi protestante peut-elle prendre place ? Peut-on « témoigner » et d’une foi, qui par essence, se veut discrète ? Autour de ce propos plane le drame d’une histoire personnelle que chacun connaît, et qui peut facilement éloigner des bancs d’une église.
Prélude
Alice Taglioni se définit d’emblée plus croyante que pratiquante – bien que ses propos rapportent fréquemment un engagement soutenu dans sa propre paroisse, au piano, à l’orgue ou au chant. Son protestantisme, elle le doit à bien des titres à sa mère, figure tutélaire de son enfance et qui, très tôt, lui transmet un certain nombre d’autorisations, la première étant « Tu as le droit de t’adresser au Seigneur ». Cette parole forte qui définit un certain rapport à Dieu l’imprègne, et sera renforcée par d’autres – et un parcours d’église plus traditionnel qui passe par l’école du dimanche, les louveteaux, les éclaireurs…et le piano de sa paroisse. Pianiste classique, c’est cette carrière qu’elle envisageait initialement, avant que les hasards de la vie ne l’amènent au grand écran. De musique, il sera souvent question, et même de la petite musique de la foi, tout en délicatesse. Elle évoque d’ailleurs fréquemment l’importance de la musique comme expression divine – vers le Divin.
De cette enfance, elle conserve un profond sentiment d’ouverture : « On pouvait tout faire ». « Le protestantisme n’est pas une religion, c’est une façon de vivre. », admet l’actrice, guidée par cette injonction de sa mère, « Il sera beaucoup demandé à qui il a été beaucoup donné ». La rigueur de la musique, l’astreinte du piano pratiqué des heures durant ont structuré sa vie, comme elles lui ont donné des bases qu’elle qualifie de solides. L’amour y est toujours présent. Devenue mère à son tour, elle reprend pour elle ces valeurs qu’elle transmet : l’intérêt pour les autres, le sens du travail et le goût de l’effort.
Interlude
Passer du piano au cinéma, c’est passer de la rigueur à la légèreté, du travail seul à celui avec une équipe. « Au début, je me suis beaucoup amusée », admet-elle. Pourtant, se sentant moins légitime que d’autres, elle ressent la nécessité de beaucoup travailler. Alice Taglioni confie que dans le milieu du cinéma, il n’y a pas plus d’athéisme qu’ailleurs, mais que la foi ne s’y exprime pas forcément – sauf peut-être dans un cercle amical très proche. Le juge-t-elle nécessairement utile ? « La foi, ça reste pur, je n’ai pas forcément envie d’en parler avec n’importe quel animateur TV », reconnaît-elle. En tant qu’actrice, elle concède une ligne de conduite dans le choix de ses rôles, mais pas plus que l’exigence qu’elle se fixe en tant que femme – et mère de surcroît : « Je ne suis pas prête à me donner à corps perdu ».
Oratorio
Dans les épreuves qu’elle a traversées, elle a vécu la puissance du culte, qui permet de trouver, selon ses propos « une joie dans le malheur ». « Je suis rentrée le cœur meurtri et je suis ressortie avec de l’espoir et de la joie ». Cet espoir inattendu, elle l’a retrouvé parmi ses proches du milieu du cinéma et d’ailleurs – y compris athées – qui lui ont témoigné à leur tour les bénéfices qu’ils avaient tiré d’une parole qui apaise dans les moments de douleur. « Sans doute parmi les plus beaux messages de soutien que j’ai reçus », admet-elle. Le reste ne s’explique pas, et relève du sursaut, du ressenti : « Ma foi et Dieu, c’est lui et moi ».
Finale
Si l’actrice ne se sent pas de mission particulière à travers sa façon d’être, ni une quelconque vocation de témoin, elle s’en est donnée une vis-à-vis de ses enfants. Pianiste émérite, actrice reconnue, elle les encourage à sentir qu’on doit « aller vers quelque chose ». C’est ce qu’elle nomme la destinée, et qu’elle oppose à la fatalité du destin, concluant « La plus belle façon de rendre grâce est de vivre pleinement ce que Dieu donne à vivre ». Finale. Applaudissements.