Ne vous étonnez pas de ne jamais avoir croisé un aumônier des urgences. Ils ne sont pas nombreux. Il se pourrait même que la petite équipe montée par Françoise Vinard soit unique en France. L’aventure a débuté en janvier 2023. « J’ai rencontré un médecin urgentiste qui m’a dit que le personnel soignant souffrait. Il m’a demandé de venir les voir », raconte la dynamique pasteur. Les soignants de l’hôpital militaire Robert-Picqué, à Bordeaux, culpabilisaient parce qu’ils n’avaient pas le temps d’écouter les patients. C’est comme cela qu’est née l’idée d’aller à la rencontre de monter une équipe d’aumônier des urgences ou plutôt d’auxiliaires-aumôniers.
Pour être aux côtés des patients qui le souhaitent, elle s’est entourée d’une petite équipe de cinq bénévoles.
« Aux urgences, nous ne sommes pas vraiment dans la rencontre, comme dans les autres services d’un hôpital. Nous savons dès le départ que les gens ne vont pas y rester. C’est d’ailleurs une petite frustration, car on ne reverra pas la personne, sauf dans les rares cas où le passage aux urgences est suivi d’une hospitalisation à la Maison de santé protestante de Bordeaux Bagatelle », différencie François Vinard. Généralement, les patients n’imaginent pas non plus en se réveillant qu’ils passeront par la case urgence dans la journée. « Il ne s’agit pas de visites faciles, nous ne sommes pas attendus. Avec le personnel, c’est différent, mais il n’a pas de nous à nous consacrer. Nous devons nous faire tout petits et aller directement vers les patients », confirme l’ex-aumônier de l’hôpital d’instruction des Armées Percy, à Clamart. Ce qui complique la mission de l’équipe, dont les membres peuvent parfois être confrontés à des refus. Et ce même s’ils sont là pour être une oreille attentive et non pas pour faire du prosélytisme.
Mais quand le contact est établi, « les gens nous parlent de leur vie. Ils savent qu’on ne se reverra peut-être plus et que ce qu’ils vont nous dire ne sortira pas de l’hôpital ». L’aumônier et son équipe vont à la rencontre de personnes en situation de crise, qui attendent parfois longtemps. « Il y a beaucoup de personnes âgées qui ont fait des chutes et des jeunes aussi, qui ont fait des tentatives de suicide, précise Françoise Vinard. On marche un peu sur des œufs, car il faut être très attentifs aux mots que l’on choisit ».
« En cas de barrière de la langue, on croise tout simplement les mains »
Heureusement, avant de se lancer, les auxiliaires sont formés par la commission locale d’aumônerie. Ils apprennent, notamment, à écouter. « L’interdiction de faire du prosélytisme – et il faut toujours rassurer les soignants à ce sujet – n’empêche pas de prier avec les patients qui le souhaitent. Nous apportons un soutien humain et spirituel », souligne Françoise Vinard. Forte d’une longue expérience, elle compare l’aumônerie des urgences à celle des prisons ou des légionnaires. « Nous venons sans presque rien : notre carte de visite et parfois un Nouveau Testament. Et si la pasteur comme les auxiliaires portent un badge d’aumônier, rien ne les oblige à parler de religions avec leurs interlocuteurs. Il arrive également que les aumôniers fassent le lien entre le patient et ses proches. « Ils attendent d’avoir des nouvelles et ils ont aussi parfois aussi besoin de parler, ajoute Françoise Vinard. Nous sommes dans l’humain, on ne peut pas avoir de masque ou être dans les mondanités. »
Si le personnel des urgences ne manque pas de remercier les aumôniers, ceux-ci avouent une vraie satisfaction quand ils les voient sortir du box et les chercher du regard pour leur dire au-revoir.
« Dans ces moments-là, nous savons que la rencontre a eu lieu », confirme Françoise Vinard. Elle sait que les petites mamies sont une valeur sûre en termes de bienveillance et que le contact passe généralement très bien aussi avec les musulmans de tous âges. « Ils sont généralement très croyants. Et en cas de barrière de la langue, on croise tout simplement les mains et on montre le ciel du doigt. Ça aide à créer le contact, à rassurer », reprend-elle. Et lors d’un passage aux urgences tout le monde à besoin d’un peu de réconfort.
Pour rejoindre le groupe de bénévole, il suffit d’avoir un peu de temps, un minimum d’empathie, surtout, d’en avoir envie.