Le mur construit par Alexandre le Grand n’est pas un cas unique. D’autres exemples historiques, comme la grande muraille de chine, le mur romain d’Hadrien ou celui de l’atlantique, les lignes Pedron ou Morice, voire la ligne Maginot, peuvent aussi être cités.
Nos murs
Symbole contemporain d’une fragmentation de société, la multiplication silencieuse de murs de séparation est à nouveau une réalité. Cette tentation d’en bâtir semble constituer une réponse à certains « nouveaux » défis engendrés par la mondialisation. La multiplication des « menaces » qui l’accompagnent, alliée à une remise en cause des repères et valeurs traditionnels, peuvent engendrer une tentation de repli sur soi pour chercher à retrouver du sens et se donner l’illusion de contrôler un environnement que l’on a en réalité du mal à appréhender et à comprendre. Wendy Brown (1) soutient pourtant l’idée que les murs encouragent l’avènement d’une société toujours plus fermée et surveillée, en lieu et place d’une société ouverte qu’ils prétendent défendre. Les nouveaux murs ne sont donc pas simplement inefficaces, ils engendrent aussi de nouvelles formes de xénophobie et de repli sur soi ».
Ouvrir une brèche
Avec le Christ, une tout autre manière de vivre nous est offerte. Avec lui, une porte (2) s’ouvre, nous permettant d’entrer et de sortir, de franchir les murs de séparation. Il allait, lui-même, de village en village. Il appela aussi les Douze et les envoya en mission deux par deux (3). Parfois même, le souvenir ancien de murailles qui s’effondrent (4) peut nous encourager à ne pas simplement franchir, mais abattre ce qui sépare et enferme. C’est en fait une destinée qui nous est proposée, mais aussi une chance pour nos existences, celles des autres et pour l’Église d’accomplir son mandat ! La route que Jésus propose est une route qui résonne pour moi avec celles que les road-movies du cinéma nous présentent dans leur grande diversité.
Choisir la vie
Cette route offerte se vit dans une forme de dépouillement : ni bagages, béquilles en tout genre, mais l’authenticité de ce que je suis et l’accueil de la rencontre, de la surprise que me propose ce chemin. Partir vers l’inconnu prêt à rencontrer l’autre… quel qu’il soit ! Prendre la route, franchir les murs, c’est accepter de se déplacer, de ne pas rester sur ses acquis, dans sa zone de confort, de se déterritorialiser, c’est-à-dire « quitter une habitude, une sédentarité, échapper à une aliénation, à des processus de subjectivation précis », explique le philosophe Gilles Deleuze. Soyons clairs : le territoire devant nous ne nous dira peut-être pas plus qui je suis que celui passé, mais il sera un lieu d’expériences nouvelles et d’accomplissements préparant sans doute au prochain à découvrir. Une tendance humaine, hélas assez courante, mais ô combien dangereuse, est de trouver son identité dans une fonction que nous tenons, dans un rôle que nous interprétons dans un contexte favorable et sécurisé. L’identité ne s’acquiert pour- tant pas par le faire ou le paraître mais par l’être, par ce qui me fait être ce que je suis vraiment : avec mes défauts et mes qualités, mes origines, mes manquements, mes faiblesses, ma culture, mes talents, mon audace, mes capacités et Jésus-Christ en qui je peux me positionner, avancer, rencontrer et aimer – guérir – libérer.
1 Professeur de sciences politiques de l’Université de Californie à Berkeley.
2 Jean 10.9.
3 Marc 6.7.
4 Marc 6.7.