Qu’est-ce qui, d’après vous, caractérise la quête spirituelle de notre époque ?
Je suis frappé par le fait qu’à Bose, tous les dimanches, l’église est remplie de personnes qui font parfois 50 ou 60 km pour participer à notre eucharistie. Ce qui attire les gens, c’est une vie de fraternité, de communauté dont ils ont l’impression qu’elle est bonne – ce qui est vrai en grande partie en ce qui nous concerne. Ils cherchent des lieux où l’on est accueilli chaleureusement. Des lieux avec une esthétique belle et sobre, aussi. Il y a 40 ou 50 ans, la question c’était : «Qui est Dieu ? Où est-il ? » Aujourd’hui, c’est toujours la même question avec, du côté des jeunes surtout, une quête de sens : « À quoi bon vivre ? » Les gens sont sensibles au fait qu’on leur propose une lecture de l’Écriture qui ne soit pas mièvre, mais solide. Je constate une vraie soif de la Parole de Dieu : chaque jour, via le site Internet de Bose, 10000 personnes reçoivent un petit commentaire biblique.
Dans votre communauté, l’approche de la Bible passe par la lectio divina. De quoi s’agit-il ?
Ce n’est pas une méthode, plutôt une attitude qui nous vient de la riche tradition des premiers siècles du christianisme. On est devant un livre, la Bible, qui n’est pas la Parole de Dieu. Mais sous l’influence de l’Esprit, la Parole de Dieu peut jaillir. Si, comme le dit le prophète Ésaïe, «Dieu est un Dieu qui se cache », c’est pour qu’on le trouve. Cette lecture, qui consiste à écouter ce que Dieu peut vouloir nous dire, permet de découvrir ses mille visages. C’est une approche priante qui n’exclut pas le recours aux sciences bibliques, bien au contraire.
Que pensez-vous des spiritualités sans Dieu, qui ont le vent en poupe ?
J’ai participé à beaucoup de sessions dites de spiritualité, centrées sur le corps humain. Cela plaît parce qu’aujourd’hui tout fonctionne par les émotions. Mais je me méfie des émotions et suis mal à l’aise avec ce genre de démarches. Il existe cependant une spiritualité sans Dieu qui me paraît solide, c’est le bouddhisme. En même temps, plaquer cela sur la culture occidentale ne fonctionne pas selon moi : on ne peut pas joindre la spiritualité chrétienne, qui vise la plénitude de la personne, à celle bouddhiste, qui a pour but l’anéantissement de soi.
Le Christ est donc incontournable selon vous ?
Pour moi il est absolument incontournable ! Je suis persuadé que seul le Christ nous sauve, même si ça n’est pas forcément conscient. Il a mille tours dans son sac et peut même utiliser un Bouddha ou un Mahomet ! Cette conviction me vient de la lettre de Paul aux Romains, où les chapitres 9 à 11 expliquent qu’au travers du Christ, les nations sont appelées à entrer dans le peuple élu : toutes les nations seront Israël et à la fin, conformément à la bénédiction faite par Dieu à Abraham, Israël sera sauvé aussi : «En toi, toutes les familles de la terre seront bénies» (Genèse 12, v.3).
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui est en recherche d’une vie spirituelle mais ne sait pas par où commencer ?
Il n’y a pas de méthode ! Je dirais : «Viens et parlons ». C’est dans le dialogue que, peu à peu, se construit quelque chose. Et aux personnes lasses de prier, je conseille de ne pas dramatiser. L’obscurité fait partie de la vie spirituelle, même chez la plupart des mystiques.
Bose, pôle de ressourcement spirituel
Enzo Bianchi fonde la communauté en décembre 1965. Actuellement, environ 80 femmes et hommes de diverses confessions chrétiennes, célibataires, partagent une vie de prière et de travail basée sur une règle et en fidélité à l’Évangile. Les activités du monastère sont nombreuses : potager, apiculture, menuiserie, poterie, boulangerie, atelier de peinture d’icônes, imprimerie. Mais aussi recherche biblique et catéchétique. La communauté de Bose a même une maison d’édition : les éditions Qiqajon. L’accueil et l’hospitalité sont au cœur de la mission : chaque année près de 24000 personnes se rendent à Bose. Il est possible d’y séjourner seul, en famille ou en groupe, et aussi de participer à des sessions, retraites, colloques ou formations. Pour permettre l’accueil de tous, pas de tarif de séjour imposé mais une participation recommandée en fonction des réelles possibilités de chacun(e). La communauté est aussi présente ailleurs en Italie : dans la région des Pouilles, en Toscane et à Assise. Depuis 1981, quelques frères vivent à Jérusalem.
Semaines bibliques et de spiritualité en langue française :
• du 8 au 13 juillet : Au miroir des Écritures Lire les textes bibliques et s’y découvrir comme dans un miroir. Avec Élian Cuvillier, professeur à la Faculté de théologie protestante de Montpellier
• du 14 au 19 octobre : Le Cantique des Cantiques Pour célébrer la bonté du monde. Avec Anne-Marie Pelletier.
Pour en savoir plus : www.monasteriodibose.it ou (+39) 015 679 185 Attention, la communauté n’accepte pas de réservations par e-mail.