J’ai souvent l’impression de devoir nager contre cette lame de fond de l’Église réformée, où la vie religieuse n’est perçue qu’à travers la question de sa rentabilité. Qu’est-ce qu’elle m’apporte ? Quel est le rapport entre le temps investi et la plus-value spirituelle ? Et souvent nous présentons nos cultes dans ce qu’ils peuvent ajouter à notre vie : un surplus de verticalité, de sens, ou l’occasion de prendre du recul.
On détourne alors le rôle qu’ils devraient avoir, car dans tous ces calculs, on est centré sur soi comme raison finale de toute chose. Or l’un des points importants de la foi est justement de nous décentrer de nous-mêmes, en mettant Dieu au centre.
L’un des épisodes les plus marquants de cette logique est la guérison des dix lépreux (Lc 17,12s). Il ne s’en trouve qu’un seul pour faire demi-tour et rendre gloire à Dieu lorsqu’il constate qu’il est guéri. C’est un acte gratuit de reconnaissance, mais que Jésus reconnaît comme salutaire. Nous qui sommes prévenus, peut-être pourrions-nous être un peu plus nombreux à inscrire ce geste dans l’ordinaire de notre semaine : prendre un temps pour nous décentrer de nous-mêmes et rendre gloire à Dieu pour toutes les bénédictions reçues.
Le culte dominical, héritier de la célébration du shabbat, devrait justement s’affirmer dans une logique opposée à la rentabilité. En acceptant de « perdre son temps » une journée par semaine, on se force à inscrire nos vies dans une logique qui n’est plus celle de la comptabilité. Comme le dit si bien Jésus, « le shabbat est fait pour l’humain » ! Laissons-le donc être cette ressource dans cette comptabilité céleste, qui nous échappe toujours, mais nous apprend à devenir des « humains nouveaux ».
Martin Nouis, pasteur, pour « L’œil de Réforme »