C’est un débat qui pourrait surprendre aujourd’hui, tant il est normal de croiser des femmes pasteures. Au XIXe siècle, les plus conservateurs et les partisans de l’ouverture du pastorat aux femmes ont longuement débattu. Mais ce qui a d’abord été perçu comme une anomalie est aujourd’hui devenu une norme. Aujourd’hui, 40 % des pasteurs sont des femmes et elles sont même majoritaires en Allemagne et en Suède.

L’historienne Lauriane Savoy vient de publier un ouvrage qui raconte l’histoire des premières ministres du culte protestant et comment elles ont été de plus en plus nombreuses à occuper cette fonction, rapporte Le Monde. Publié aux Éditions Labor et Fides, Pionnières. Comment les femmes sont devenues pasteures revient sur cette lente évolution en faisant un focus sur Genève et le canton de Vaud.

Tout commence dans les années 1920. Il faudra quatre décennies pour que le débat retombe entre ceux qui considèrent que “le propre de l’homme est d’agir et de mener, celui de la femme d’aider et de servir” et expliquent que dans la Bible “les femmes se taisent dans les assemblées”. D’autres arguments sont avancés : la voix grave des hommes permettrait de mieux guider le chant lors du culte, quand “le timbre aigu de la voix féminine devient très vite une fatigue pour l’oreille la mieux disposée”.

Grande implication des femmes de pasteur

Les partisans de l’ouverture du pastorat aux femmes comptent aussi sur la Bible pour faire entendre leur voix. On s’appuie sur le prophète Joël, à qui l’on attribue les propos suivants : “Je répandrai mon Esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront.” Après analyse aussi des Saintes Écritures, on explique que si les femmes ont un rôle moins important que les hommes dans le Nouveau Testament, c’est à cause d’une inégalité entre les sexes qui n’a plus lieu d’être, ne serait-ce que parce que les filles vont maintenant à l’université. Alors, si elles ont la possibilité d’étudier la théologie, rien ne devrait les empêcher de devenir pasteures.

Le fait que contrairement au prêtre, le pasteur n’est pas un personnage sacré représentant le Christ participe aussi à l’ouverture du ministère aux femmes. La possibilité, pour les pasteurs, de se marier a également préparé le terrain.

Les protestants avaient l’habitude de voir des femmes de pasteur jouer un rôle clé dans la gestion de la paroisse. Savant mélange d’histoire religieuse et d’histoire du genre, l’œuvre de celle qui est aussi théologienne fournit de précieuses clés pour réfléchir à la place de la femme dans le christianisme. D’ailleurs, l’ouvrage est préfacé par Anne Soupa, militante féministe chrétienne, et cofondatrice, aux côtés de Christine Pedotti, du comité de la jupe, une association visant à promouvoir la place des femmes dans l’Église catholique, et de la conférence catholique des baptisé·e·s francophones.

“Pionnières. Comment les femmes sont devenues pasteures”, Labor et Fides, 320 pages, 24 euros