Toutes les Églises connaissent ces paroissiens modèles prêts à donner un coup de main. Toujours à l’écoute de ceux qu’ils rencontrent, ils se rendent parfois tellement indispensables que cela donnerait presque aux autres la mauvaise conscience de ne rien faire.

Quand servir est une joie

Dans une paroisse dont le nom importe peu, le service de diaconie fonctionnait avec une quinzaine de personnes. Mais l’une d’elles assumait seule le tiers des permanences d’accueil. Cette aide précieuse et reconnue apportait un dynamisme et une ambiance favorables à l’écoute des personnes en situation difficile, sa connaissance des dossiers ouvrait à un accueil en profondeur. Pourtant, la belle dynamique s’est grippée au fil du temps. La responsable souhaitait passer la main et personne ne semblait prêt à prendre la relève.

La reconnaissance ne suffit pas

Cette situation, très courante dans les associations et les Églises, a pu en partie s’expliquer et se résoudre en considérant les personnes sans se focaliser sur l’urgence de la situation. On s’est alors aperçu que la responsable assumait toute l’organisation de l’Entraide, les autres bénévoles donnant un coup de main chacun à son poste. Depuis plusieurs années, des paroissiens avaient répondu à l’appel pour assurer ce tiers des permanences, mais cela n’avait jamais duré bien longtemps. Le Conseil d’Entraide avait fini par s’y faire et surtout ne rien faire et laisser faire. Mais la plainte demeurait : « Je ne peux pas partir, il n’y a personne pour me remplacer. »

Récemment, un nouveau membre du Conseil a proposé une grande fête pour les soixante ans de bénévolat de cette dame. À bout de souffle et de fatigue, elle a accepté de laisser la place, applaudie par ses pairs. Le service d’Entraide exsangue a alors vivoté un temps avant de reprendre sur un autre projet.

Un équilibre subtil à conserver

Certaines personnes considèrent que la valeur d’un individu est fonction de la qualité de ses émotions. Elles gèrent leurs décisions en fonction de leur ressenti émotionnel, même si cela peut paraître peu rationnel à d’autres. Voir la joie naître sur un visage leur procure alors un grand bonheur, surtout quand elles l’ont fait naître elles-mêmes par leur action. Le sourire reçu est la reconnaissance de l’aide apportée et procure au bénévole un sentiment d’utilité bienfaisant. Il n’y a rien à dire à cet équilibre. Mais deux écueils peuvent gripper le mécanisme. La fatigue ou un problème personnel vont augmenter pour le bénévole la nécessité d’être reconnu dans ce qu’il fait. On n’est plus alors dans la joie d’une émotion partagée mais dans une dette de reconnaissance de ce que quelqu’un a fait pour un autre. Le bénévole peut alors affirmer son utilité comme indispensable d’autant plus fortement qu’ il est moins reconnu dans son action. La responsable de l’Entraide vivait finalement le problème de son départ comme la reconnaissance que rien ne pouvait se faire sans elle, ce qui était d’ailleurs assez vrai à ce moment.

Accompagner l’engagement

L’autre écueil est que ces bénévoles tirent leur émotion de leur soutien aux autres, puisque la reconnaissance vient de là. Ils n’ont souvent pas conscience de leurs propres besoins et s’usent au point d’aller au-delà de leurs forces. Les stopper est alors nécessaire avant même qu’ils se rendent compte que l’arrêt devient indispensable. Car ce serait alors trop tard. Dans la paroisse, la fête a permis de manifester publiquement la reconnaissance et l’émotion. Aujourd’hui, une conversation régulière a lieu avec les bénévoles ainsi qu’un engagement annuel et une fête des talents présents dans la communauté pour permettre à chacun de s’investir et se désengager quand il le souhaite et que soit manifesté le soutien légitime de la paroisse.