Témoigner est un leitmotiv des Églises protestantes et le but de nombreux projets locaux ou personnels. Sous cette bannière se regroupent une multitude d’événements, de projets communautaires, de travaux dans les temples ou d’engagements individuels, notamment dans les Entraides.
Témoigner, oui, mais…
Il faut reconnaître que le terme de témoignage est positif, il évoque le dynamisme d’un partage et une Église en marche. Et cela semble bien traduire les conséquences de la foi qui devrait, d’une manière ou d’une autre, porter du fruit pour s’exprimer et se rendre visible. Là se situe le risque d’un défaut de compréhension et de méthode : vivre sa foi, oui, mais espérer la montrer au monde en guise de témoignage, non. Les matheux savent que si A implique B, B n’implique pas A. Pour les autres : aider les gens ou bâtir des projets ne dit rien sur la foi. Si les projets d’Église visent à mettre en place des actions de témoignage, ou si quelqu’un décide de s’engager dans la diaconie, cela n’indique en rien que la foi porte du fruit, ni même qu’il ait la foi. L’action n’est en rien un témoignage de la foi.
Retourner à la foi
La foi est confiance, disait Paul, « la ferme assurance des choses que l’on espère mais que l’on ne voit pas ». Il décrivait même la foi comme ne venant pas de l’homme, mais de l’Esprit inspirant l’être humain. Par son engagement dans la diaconie, par exemple, le bénévole montrerait-il donc sa foi par ses œuvres ? Cela donnerait à ses projets un caractère de direction, d’orientation, voire de volonté, qui pourraient rapidement entrer en contradiction avec la nécessaire ouverture de l’accueil des personnes les plus fragiles. Et cela risquerait a contrario de permettre à certains zélateurs d’identifier comme mécréants ceux qui n’agissent pas assez à leur goût. Cela marquerait le retour à une théologie des mérites.
Retrouver le parfum de la grâce
Si la motivation des Églises à agir n’est pas la foi, c’est que Paul la désigne comme ce qui montre la grâce. Pour lui, Dieu fait grâce avant tout, puis il donne la foi pour que l’humain s’en rende compte. C’est donc la grâce qui doit être invoquée comme fondement de l’action de l’Église. Et la grâce, elle, est gratuite ; par définition, elle est donnée.
La mission première de l’être humain n’est donc pas de montrer sa foi, mais de laisser passer la grâce, de se laisser habiter par elle. Un prisonnier auquel il est fait grâce n’a plus le même comportement et ne voit plus la vie de la même manière. Quelqu’un à qui l’on pardonne n’est plus de même que lorsqu’il était sous le fardeau de son forfait. Se laisser traverser par la grâce, c’est donc se teinter d’elle ; tous les actes que l’on pose, toutes les rencontres que l’on fait, seront parfumés de cette odeur de grâce.
Passer du « pour que » au « parce que »
Alors si une personne veut aider les autres dans le cadre de la diaconie, il ne le fera pas pour montrer la foi, ni même parce qu’il a la foi. Il le fera parce qu’il veut aider les autres et que c’est important pour lui. Et la grâce passera à travers lui vers ceux qu’il aide, comme un parfum. Non pas parce qu’il le veut, mais parce qu’il en vit et que la grâce le traverse. Ce n’est pas l’être humain qui témoigne, mais Dieu qui témoigne à travers lui. La diaconie consiste finalement à laisser Dieu agir, en se rendant soi-même présent pour les autres et disponible à la rencontre.