Il existe très peu d’enquêtes sur la question et dans les milieux protestants luthéro-réformés on est en général extrêmement pudique à ce sujet. On peut très bien s’en sentir proche voire y être investi et ne pas prier. A l’inverse, des pasteurs constatent, parfois étonnés, que « beaucoup de gens prient ». C’est le cas de Pascale Haller-Jahn, aumônier à la clinique strasbourgeoise de la Toussaint : « Bien des patients parlent spontanément de leur pratique de la prière. Ils disent ‘Tous les soirs je fais ma prière’ ou ‘Il y a une chapelle, moi j’y vais’. Même si beaucoup de gens ne sont plus du tout familiers de la prière, lors d’une maladie cela reprend du sens. »

Quand Dieu ne répond pas

Si certains (re)trouvent ainsi le chemin de la prière, d’autres ont mis une fois pour toutes une croix sur cette pratique qui a pu les décevoir faute du résultat espéré. A ce propos, le pasteur Stéphane Kakouridis, responsable de la communauté charismatique Saint-Nicolas à Strasbourg, met en garde contre la tentation de voir en Dieu un « distributeur automatique de miracles ». Selon le professeur de théologie Gérard Siegwalt, « le seul exaucement certain, c’est Dieu lui-même : sa présence à nos détresses personnelles, familiales, de même qu’à celles du monde. Nommer ces détresses et les relier à Dieu dans notre impuissance, est source de fécondité ». Pour Sœur Claudine, diaconesse, il est important de persévérer dans la confiance en Dieu même si « parfois il y a des questions sans réponse. C’est un combat de ne pas se laisser gagner par l’amertume. »

Au-delà de la demande

La prière de demande est à l’évidence la plus spontanée. Elle ne constitue cependant qu’un aspect de ce que Thomas d’Aquin et d’autres appellent « le cœur à cœur avec Dieu ». Ce dialogue, les chrétiens l’expérimentent selon Gérard Siegwalt comme une « communion à Dieu dans les situations les plus diverses » de leur vie. « Je me relie à Dieu. Je ne produis pas cette relation mais je l’accueille », précise encore le théologien. Tour à tour louange, action de grâce, repentance, supplication pour soi-même ou intercession pour autrui, la prière peut prendre la forme d’ « un acte mis à part » dans le tumulte de nos vies. Mais elle est appelée à devenir, toujours selon lui, « une dimension fondamentale de toute notre vie, qui oriente, apporte une respiration, met à la disposition de Dieu, aussi pour un agir concret ».

L’importance d’un ancrage biblique et communautaire

L’une des spécificités de la prière chrétienne est son ancrage dans l’Ecriture. « J’aime avoir une parole biblique comme point d’appui », témoigne Sœur Claudine. Qui souligne aussi l’importance de textes comme les psaumes, ces « prières qui portent car elles sont proches de ce qu’on ressent parfois dans les tripes, y compris l’envie de cogner. » Sans parler du Notre Père, dont Gérard Siegwalt estime qu’ « il nous situe devant le Dieu de Jésus-Christ avant nos prières personnelles, pour importantes qu’elles soient ». Et permet d’éviter « le nombrilisme », l’une des nombreuses « maladies » ou « déviations » que peut connaître la prière. Tout aussi nécessaire à la « bonne santé » de la prière personnelle, la prière liturgique et communautaire qui, parce qu’elle ouvre à ce qui vient de l’extérieur, empêche la prière personnelle de s’étioler. Les deux, selon Stéphane Kakouridis, constituent « les deux faces d’une seule et même pièce ».

En recherche de la vraie simplicité

Souvent on pense que prier est compliqué, que cela suppose de gravir une montagne à force de connaissances ou d’expériences initiatique accumulées. « Ce qui s’apprend, c’est à devenir simple. On veut se débrouiller tout seul dans la vie et le défi c’est de faire confiance à Jésus en toute circonstance », indique Sœur Claudine. Dans nombre de paroisses et autres lieux d’Eglise, les occasions ne manquent pas de se familiariser à la prière et d’en découvrir les multiples bienfaits.