Comme la Bible, le Coran est aujourd’hui considéré de manière radicalement différente selon les tendances théologiques auxquelles on se réfère. Les médias évoquent couramment la lecture littérale que font les fondamentalistes musulmans. Cette lecture estime que le Coran est « incréé ». Il n’est pas une œuvre de Dieu, comme le soleil, la lune, les étoiles ou l’homme. Il a le même statut que le Christ, dans la religion chrétienne. Le Coran est la Parole de Dieu. Il est donc sacré, intouchable et ininterprétable. On ne peut que le lire, l’apprendre, le réciter et… l’appliquer.

Une colonne vertébrale

Si cette position est largement majoritaire aujourd’hui, chez les Sunnites comme chez les Chiites, elle n’est pas la seule. Certains théologiens musulmans considèrent le Coran comme « créé ». C’était déjà la position du calife Al-Mamoun, au IXe siècle : en son temps, il est parvenu à imposer aux oulémas l’idée d’un Coran créé et non incréé ! C’est une grande différence ! Si le Coran est créé, comme le soleil ou la lune, il peut être soumis à la sagacité de l’analyse et de la critique. Bref, il peut être interprété. Et Dieu sait comme cela est important ! D’une part car nombreux sont les passages du Coran qui nécessitent une telle interprétation. Et, d’autre part, plus fondamentalement, l’interprétation coranique est nécessaire pour donner une colonne vertébrale à ce texte qui, comme la Bible, pas plus ni moins, dit tout et son contraire en quelques versets. Exemple : la sourate IX, au verset 5, dit : Tuez les polythéistes partout où vous les trouverez, capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades. Et, au verset 6, le lecteur trouve cette parole bienveillante : Si un polythéiste cherche asile auprès de toi, accueille-le pour lui permettre d’entendre la parole de Dieu.

Une recherche active

Cette interprétation du Coran est aujourd’hui partout à l’œuvre. Elle était prônée par le regretté Abdelwahab Meddeb qui a combattu avec ténacité le « cancer islamiste ». En France, elle est le fait de Malek Chebel, par exemple, et, à l’étranger, des mouvements comme les Sisters in Islam en sont des partisans éclairés. Ces femmes proposent une lecture féministe du Coran. Cette lecture éclairée du Coran est également pratiquée par des chercheurs de tous bords : l’archéologie, l’épigraphie, la littérature, la psychanalyse, l’anthropologie… Toutes s’intéressent de près à ce texte millénaire. Il faut dire qu’elles ont de quoi. En 1972, derrière un mur de la grande mosquée de Sanaa, au Yémen, fut découvert 40 000 pages manuscrites du Coran datant de l’époque des Omeyyades. Il est à parier que ces recherches porteront leurs fruits et parviendront à relever le défi que souligne Malek Chebel : Nos ancêtres ont cherché à adapter leur univers matériel aux préceptes de l’islam. Il nous incombe, à nous, de le faire pour la réalité d’aujourd’hui.