À cet égard, du point de vue œcuménique, on souligne de façon nouvelle un certain individualisme, un primat de l’affectif sur le rationnel, des gens qui vivent davantage en réseaux, une grande méfiance vis-à-vis des institutions ; autant de choses qui font que les appartenances ecclésiales se sont considérablement émoussées réveillant chez certains le démon de l’identitarisme. On observe toutefois un retour du religieux ou plutôt une recherche de spirituel dans notre société, particulièrement en ce temps de pandémie. La sociologue Danielle Hervieu-Léger a écrit un livre très intéressant : Le pèlerin et le converti. Elle y dessine deux types de personnalités représentatives du retour du religieux aujourd’hui. Des gens qui sont en quête de sens dans un univers qui bouge beaucoup, qui se transforme, qui font, à un moment, une expérience forte de la présence de Dieu dans leur vie, de changement radical et donc de militantisme, d’attachement fort et inconditionnel à leur Église. Mais en même temps, nous rencontrons des gens en recherche qui font des itinéraires personnels compliqués, à partir de l’Église dont ils étaient membres par tradition. Les Églises protestantes, ont perçu Vatican II comme l’ouverture de l’Église catholique romaine aux autres Églises et communautés chrétiennes. Cette ouverture a été marquée symboliquement par l’invitation d’observateurs qui ne sont pas restés de simples observateurs, mais qui ont été de vrais témoins. Il y a donc eu dès le départ une ouverture confiante qui, à nos yeux, marque nos relations même si nous déplorons aujourd’hui, y compris dans nos diocèses de Moselle et d’Alsace, une prise de distance de la part des responsables de l’Église-sœur.
Un seul et même baptême
Les accords œcuméniques sont nombreux qui jalonnent la route commune depuis le décret sur l’œcuménisme. Nos Églises affirment et confessent un seul et même baptême. Ne faudrait-il pas redire aujourd’hui plus que jamais qu’aucune Église ne possède le monopole de l’ecclésialité qui lui permettrait de nier l’ecclésialité de l’autre, tout en reconnaissant qu’il y a pour toutes les Églises des conversions à opérer ?
L’obstacle majeur ces temps derniers, c’est le manque de prise de conscience que l’autre chrétien est un membre à part entière et légitime de la même Église de Jésus-Christ. Si les Chrétiens sont incorporés au Christ par le même baptême, en quoi peuvent-ils encore être considérés comme des frères séparés que l’on réduit à des Chrétiens de seconde classe en leur interdisant la table du Seigneur ? Lorsque lors de l’installation ou l’ordination d’un évêque, les ministres ordonnés des Églises protestantes sont placés comme invités derrière les « politiques » et les institutions militaires, il est légitime de se poser la question de la reconnaissance « ecclésiale » de l’autre !
Le concile Vatican II dans sa constitution sur l’Église, affirme en son article subsitit in, que l’Église catholique romaine était la vraie Église de Jésus-Christ. Elle reconnaissait néanmoins aussi que nul ne saurait poser de frontières à l’Église de Jésus-Christ et que, dans les autres Églises, il subsistait des moyens de Salut ; autrement dit avec Augustin, « le territoire mystique de l’Église de Jésus-Christ, s’étend au-delà de son seuil canonique » : qu’en est-il de la reconnaissance pleine et mutuelle fondée dans le même baptême ? En 1990, le Conseil œcuménique des Églises, dans un groupe de travail en synergie avec l’Église catholique romaine, propose une façon de considérer l’Église comme une « communion ». Il convient de reprendre ce dossier en retravaillant et en s’appropriant les nombreux textes d’accords dont le théologien œcuméniste reconnu, André Birmelé, s’est fait l’écho.