L’élection aux États-Unis braque les projecteurs sur les évangéliques de ce pays. L’évangélisme, en France, n’a pas ces outrances. Il n’empêche, le moralisme le guette également. Le courant évangélique est précieux pour le protestantisme en mettant en avant la profession personnelle de la foi. Il est un correctif face au danger, parfois présent dans le modernisme exégétique, de privilégier l’interprétation sur le texte biblique lui-même. Sa ferveur est inspirante. Bref, théologiquement, je me sens proche de lui.
Néanmoins, si la Bible comporte des vérités théologiques intangibles, si elle propose une forme éthique valable en tout temps et en tout lieu (« tu aimeras ton prochain comme toi-même »), les préceptes moraux contenus dans ses écrits sont reliés à un contexte et je défie n’importe quel évangélique d’en ratifier la totalité. Gare, alors, à ne pas transformer en absolu ce qui provient de ses convictions ou même de ses préjugés.
Les évangéliques ont le droit de régler leur vie selon des normes morales qu’ils estiment trouver dans la Bible. En revanche, ils n’ont pas celui de régenter la société, d’attenter à la liberté d’autrui.
Cela est contraire à la démocratie, à la laïcité, et génère des hypocrisies qui nuisent à une foi authentique. Il faut le leur dire fraternellement (en méditant, pour sa gouverne personnelle, le « que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre ») : quand ils s’adonnent à une croisade vertueuse, ils deviennent ce qu’on appelle souvent des « protestants sociologiques », cessant, de fait, d’adorer un Dieu de pure grâce qui, loin d’être un père la morale, meurt sur une croix.
Jean Baubérot-Vincent, professeur d’histoire et de sociologie de la laïcité, pour « L’œil de Réforme »