Ainsi, il est étonnant que les propos haineux sur les juifs de la part du réformateur soient parfois passés sous silence, que ce soit en n’affichant pas un panneau d’une exposition ou en évitant soigneusement le sujet dans une présentation. Il vaudrait mieux assumer leur réalité historique pour pouvoir marquer la distance ou expliquer la variation dans la pensée.
Luther dans sa totalité
Ainsi, je pense qu’il était temps, en 2015, d’avoir la première traduction française à partir de l’allemand et édition critique du livre de Luther de 1543 Des juifs et de leurs mensonges (traduit par Johannes Honigmann, introduction et notes par Pierre Savy, édité chez Honoré Champion). Car l’éclairage médiatique de cet anniversaire cristallise les affrontements. La « truie des juifs » de l’église de Wittenberg, qui voit s’affronter les groupes d’extrême droite et les juifs, chacun trouvant d’excellentes raisons, parfois fallacieuses, pour l’enlever ou la laisser, en est un exemple. Je reste persuadé que le fait que cela se passe à Wittenberg, en 2017, au-delà de la question de fond de ce qu’elle représente, en augmente l’écho. Le risque de taire ou de cacher les propos antisémites, c’est de les voir resurgir au moment où on veut témoigner et de biaiser ainsi notre communication.
Le choix de l’Église luthérienne en Allemagne d’anticiper cette reconnaissance est intéressant. Dès 2016, elle publiait une déclaration condamnant l’antisémitisme fondateur de l’Église et reconnaissant le rôle joué par la tradition de la Réforme dans l’histoire douloureuse entre les chrétiens et les juifs. La déclaration a également déploré la défaillance profonde des églises protestantes en Allemagne à l’égard du peuple juif et l’horreur de telles aberrations historiques et théologiques. Cette déclaration la rend plus libre, aujourd’hui, dans ses prises de parole sur l’apport de Luther, 500 ans après.
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