Il y a un an, une enquête avait été lancée auprès des 1500 familles scolarisant un ou plusieurs enfants au Gymnase qui regroupe les sites de Lucie Berger et de Jean Sturm, héritier de la Haute École de Strasbourg fondée en 1538. À l’arrivée, moins d’un tiers des parents citent « les valeurs humanistes et protestantes » comme critère de leur choix. Et, alors que « la foi » est mise en avant par les familles qui préfèrent le Collège épiscopal Saint-Étienne, elle n’est citée que par 2% des parents du Gymnase.
Majoritairement, ces derniers plébiscitent le « travail et la rigueur », c’est-à-dire l’excellence qui fait la réputation du Gymnase. « Si l’aspect confessionnel n’est pas un choix de cœur, il devrait être un choix de sens de vie », plaide l’inspecteur ecclésiastique Philippe Gunther, membre-fondateur en juin 2006 du Conseil protestant de l’Éducation de Strasbourg. « Un peu plus de visibilité ne nuirait pas », suggère ce pasteur qui relève « les attentes plus humaines des élèves ».
Pour autant, la charte du Pôle éducatif protestant, chapeauté par la Fondation Saint-Thomas et les Diaconesses, parle bien de « tradition humaniste », de « référence chrétienne dans son expression protestante », des « valeurs de la République ». Mais aussi de « liberté de conscience ». « On ne demande pas leur religion aux enfants. La plupart des familles sont agnostiques », a pu constater Guy Mielcarek, directeur durant dix ans du Gymnase, qui vient de passer le témoin à Philippe Buttani, ancien proviseur du lycée français de Munich.
« L’enseignement privé protestant sous contrat avec l’Éducation nationale ne représente que 0,13% des effectifs, contre 96% pour l’enseignement catholique », rappelle Guy Mielcarek, qui est par ailleurs secrétaire général du conseil scolaire de la Fédération protestante de France. L’explication est historique. Sous la IIIe République, les protestants ont rendu leur 800 à 1000 établissements à l’État… sauf en Alsace-Moselle qui était prussienne. Après la douloureuse fermeture du Collège Cévenol de Chambon-sur-Lignon en 2014, il ne reste plus que quatre établissements protestants en France. Avec ses 2200 élèves, Le Gymnase est de loin le plus important.
Élitiste le Gymnase ?
« On vient au Gymnase pour travailler », réplique l’ancien directeur, en soulignant « l’augmentation d’élèves boursiers à potentiel ». Au-delà des savoirs, l’objectif est de proposer aux élèves « un travail sur la motivation par le sens, pour qu’ils puissent construire leur orientation ». Plus sélective, la filière Baccalauréat international, liée à la section bilingue anglaise, montre « la capacité d’innovation du réseau protestant », se félicite-t-il.
Saluant « le travail remarquable » de Jean-Pierre Perrin et Guy Mielcarek, leur successeur Philippe Buttani, 53 ans, prend ses fonctions en septembre, « avec enthousiasme et humilité. » Mais la pandémie ne lui laissera pas de répit, comme en attestent les deux dossiers : « la sécurité, à la fois sanitaire et sur un plan plus général, et la communication » qu’il compte privilégier. Sans oublier « le projet éducatif, avec l’objectif de rassembler tous les élèves » et une attention à ceux plus défavorisés ou souffrant d’un handicap. De culture catholique, comme ses deux prédécesseurs, il se dit « en adéquation avec les valeurs du Gymnase », ayant perçu dans ses premiers contacts « une ouverture d’esprit et l’acceptation de l’autre… »
Arrivé il y a deux ans, l’aumônier Éloi Lobstein a, malgré le Covid, « assuré une présence et un accompagnement » sur les deux sites, Jean Sturm et Lucie Berger. Son rôle est multiple : organiser des moments cultuels, participer à des animations montées par la communauté éducative, comme les Olympiades de la solidarité ou la collecte de jouets avec l’association Les Disciples de la paroisse protestante de Cronenbourg, monter des projets, comme les rencontres avec les Sœurs de Madagascar avant Noël. Et tout simplement « rappeler ce qu’est le protestantisme ». La quadrature du cercle.