Je mesure combien cette idée peut être choquante. Si vous ajoutez à cela que je ne me ferai jamais à l’idée de la mort, encore moins quand elle est précoce, et que je suis très émotif, on s’embarque alors dans un voyage en Absurdie… Et pourtant, comme pasteur, en paroisse durant 33 ans, je peux le confirmer : oui, j’aime faire les enterrements.

Le tragique de la mort, nous le partageons toutes et tous. Nous le connaissons, et nous le vivons pour nos proches. Nous pouvons ne jamais en parler, dans une forme de pudeur ou de tabou, mais, au plus profond de nous, nous y pensons et nous le vivons. Si les enterrements protestants valorisent l’accompagnement du deuil des vivants, plutôt que l’accompagnement de la personne décédée, c’est justement pour rappeler que le tragique fait partie de toute existence, sans exception. C’est notre condition humaine.

Des moments d’humanité

Mon expérience de pasteur en paroisse m’a fait rencontrer tant de deuils et de tragédies que j’en ai acquis une conviction : ce sont des moments d’humanité, ce sont des moments de vérité. Autrefois, au XVIe siècle, les pasteurs, dans certaines régions, n’avaient même pas le droit d’assister à un enterrement, au nom de ce verset de Matthieu 8, 22 : « Laissez les morts enterrer leurs morts ». C’était, à l’époque, une manière de valoriser la résurrection, plutôt que la prière pour les morts comme dans l’Église catholique. Aujourd’hui, les choses ont évolué. Nous ne sommes plus dans cette polémique-là.

Lorsque l’on rencontre une famille, des amis en deuil, on ne peut plus mentir, ni jouer un personnage ou afficher un dogme. On est dans ce que le philosophe Martin Buber appelle le […]