Une paroissienne et néanmoins amie me faisait récemment remarquer qu’à la Pentecôte, les langues de feu se posaient au-dessus de chacun des disciples. « Et ce que je trouve génial », prétendait-elle, « c’est que j’ai beau lever la tête je ne vois jamais rien au-dessus de la mienne, je ne peux que contempler les langues de feu des autres ». J’ai hoché bêtement la tête pour lui répondre, mais suis resté sans voix devant la puissance de cette évocation.

Intermittent de la foi

J’y repense régulièrement. Ainsi va la foi, elle fait ressurgir les souvenirs de temps forts et d’images, qui jadis comme hier ont saisi notre existence et y ont creusé de profonds sillons. Entre ces moments forts, l’être humain paraît traverser le quotidien simplement porté par la mémoire de l’impact, jusqu’à l’étape suivante en espérant qu’il y en ait une. On pourrait croire l’Homme intermittent de la foi. Mais l’intensité même de ces expériences fait qu’on ne peut constamment les vivre. On en serait brûlé, comme Moïse au mont Sinaï n’osant pas s’approcher du buisson-ardent de peur d’être détruit.

L’autre, ce buisson ardent

Cette image des langues de feu posées au-dessus de la tête des frères et sœurs est infiniment proche de celle du buisson ardent qui ne se consume pas mais est l’occasion d’une rencontre introduisant le don de la Loi. Nul ne peut se fixer pour lui-même sa propre loi, sa direction de vie ou son espérance. Il tomberait vite dans le cadre des maladies de l’âme ou de la psychiatrie. Ce sont les autres qui les donnent, souvent même inconsciemment. Intouchables, ineffables, ces êtres parfois rencontrés par hasard au détour d’une conversation portent au-dessus de leur tête le buisson ardent de la Loi-pour-moi. Eux seuls disent les limites à ne pas dépasser, eux seuls transmettent les indications d’une direction possible à la vie, eux seuls portent le message de la grâce. Eux, ce sont les pages de la Bible, les rencontres où l’on prend le temps, la beauté évocatrice d’une plage ou d’un paysage, le frère ou la sœur qui vient confier un bout de sa vie parfois au détour d’un rosé ou d’une partie de pétanque. Précieux êtes-vous, au seuil de l’été qui vient.