Jean-Claude Guillebaud n’est plus. Ce Charentais a tenu une chronique pendant des décennies dans ce qui était « son » journal, Sud-Ouest. Il a gratifié de sa plume Le Mondele Nouvel ObsTélé ObsLa Vie… et Réforme où, ces dernières années, il a tenu une chronique pleine page. Grand reporter, Jean-Claude Guillebaud avait obtenu à 28 ans le prix Albert-Londres pour avoir été le seul, pendant la guerre du Vietnam, à s’être glissé dans les lignes viêt-cong déguisé en curé, là où les journalistes du monde entier étaient obligés d’emprunter le circuit imposé par les Américains. Il est à l’origine de la création de Reporters sans Frontières. Il travaillera dans l’édition, surtout au Seuil où il sera notamment l’éditeur de son ami et professeur Jacques Ellul. Mais c’est aussi au Seuil que, à l’instigation de Michel Serres, il sera l’auteur d’une Enquête sur le désarroi contemporain, servant d’interface entre le monde intellectuel et le grand public.

Retour vers l’Évangile

Selon ses propres déclarations orales et écrites, c’est la rédaction de cette série d’essais qui allait le ramener, « par cercles concentriques », à l’Évangile. Cette sorte de nouvelle naissance est très rare dans le monde médiatique où il se mouvait à divers niveaux (journalisme, édition, écriture, radio, télévision, conférences).

J’ai eu le privilège de l’interviewer sur tous ces grands essais (et sur quelques autres sujets). Dès le début, je voyais qu’il ne supportait pas qu’on insulte le christianisme ; il s’intéressait beaucoup au judaïsme, et en particulier à la notion de temps linéaire et donc de projet, de finalité. À chaque interview, je sentais que des étapes étaient progressivement franchies. Ce qui me frappait, c’est qu’il était de plus en plus joyeux ; que, malgré les horreurs qu’il documentait, ce reporter de guerre fils de général était d’un optimisme indécrottable. Sans complaisance, il décrivait des apocalypses sans se laisser décourager ni effrayer par elles. Derrière les écrits, il y avait manifestement un […]