Le protestantisme a de tout temps été fondé sur la dispute, au sens où l’entendait Luther en affichant ses thèses théologiques à l’aube du XVIe siècle pour un débat contradictoire. C’est à la fois la grandeur et le péché mignon des Églises de la Réforme que de toujours être en avance d’une controverse sur le monde qui l’entoure. Grandeur, parce que le sens de l’éthique se construit dans le dialogue avec les enjeux des sociétés de chaque époque. Péché mignon, parce qu’à force de débattre, celui qui n’est pas d’accord crée un nouveau mouvement, voire une Église, que l’on mettra des siècles à réunir à nouveau dans ce qu’il faut bien appeler la nébuleuse protestante. « Deux protestants, trois avis », disait on jadis en savourant des expressions comme « Quel synode  » pour parler de cacophonie lors d’une réunion.

Contre la créativité

Mais cette culture du débat, sur laquelle les Églises ont bâti leur image dans la société moderne, est à double tranchant. Car un débat, ce sont deux personnes qui s’affrontent sur un sujet. Sans vouloir comparer les débats d’Église à ceux, parfois si agressifs et stériles, des hommes politiques, il faut bien reconnaître que construire une communauté sur le débat valorise plus le différend que le consensus.

Bien sûr, avec cette culture a grandi le sens de la fraternité, qui permet à chacun d’être différent de son voisin tout en le reconnaissant comme frère (et sans doute faut-il être reconnaissant de cette capacité à apprécier l’altérité.

Mais se concentrer sur le débat ne permet pas, du simple fait de la confrontation, de donner de l’importance à la création. Le côté créatif de chaque fidèle est absorbé par la controverse et ne peut s’épanouir.

Faire jaillir le sens, plutôt que l’opinion

Pourtant, les textes bibliques dans leur écriture grecque ou, plus encore, hébraïque, offrent une foule de sens et d’opportunités d’étude et d’interprétation que le protestant, amoureux reconnu du Livre, gagnerait à faire jaillir des pages jaunies. Reconnaître l’autre comme un frère capable de trouver dans le texte un sens et une nouveauté qui nourrira le voisin, paraît plus essentiel que confronter des opinions. Car l’opinion divise, là où la recherche force une profondeur qui unit les êtres.

Face à la culture du débat, où chacun peut rester sur ses positions, se pose celle de la recherche qui apprend aux chercheurs de sens à rebondir sur les mots du voisin. Osons donc faire jaillir le sens plutôt que l’opinion !