Pendant l’élaboration de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, des protestants, issus à la fois des ailes évangélique et libérale des Églises réformées, ont apporté leur contribution. L’historien et sociologue Jean Baubérot-Vincent a étudié les archives pour comprendre leur contribution à cette règle fondatrice de la vie commune dans la République.

L’idée de laïcité a-t-elle été influencée par le protestantisme ?

Contrairement à ce qu’on pense, l’idée de laïcité n’a pas été inventée par les Lumières, elle est antérieure. Et le premier État qui fonctionne de manière laïque, c’est le Rhode Island, colonie anglaise d’Amérique du Nord, au milieu du XVIIᵉ siècle. Son fondateur, Roger Williams (1603-1684), est un pasteur baptiste. Il demande au roi d’Angleterre une charte pour avoir une Constitution dans laquelle aucune religion n’est officielle. Le Rhode Island sert de refuge à tous ceux qui sont persécutés en raison de leur religion et de leur conviction.

Roger Williams le fait par souci d’authenticité de la religion. Pour lui, si on fait pression sur les gens, ils adoptent la bonne religion mais pour de mauvaises raisons. La religion relève de la responsabilité de chacun. Dans ce contexte imprégné de culture biblique, peu à peu les lois civiles se séparent des normes religieuses. Pour vous donner deux exemples, les hommes qui battent leur femme se réclament du texte de l’apôtre Paul (« Comme l’Église se soumet au Christ, qu’ainsi les femmes se soumettent en tout à leur mari », Éphésiens 5, 24).

Or le geste est qualifié de violence dans l’ordre civil et la religion ne peut pas le justifier. Deuxième exemple : les sacrifices humains que faisaient les Indiens, également pour des raisons religieuses. Le fait de tuer quelqu’un est un crime civil et ne peut pas être justifié par des raisons religieuses. Cette séparation s’opère au service de la liberté de conscience et elle est justifiée par ce souci d’authenticité de […]