Bien plus qu’une réparation, le Kintsugi est une sublimation. On prétend que cet art japonais est né au XVe siècle d’un vase cassé, dont la réparation hideuse a inspiré la demande d’un shogun à ses céramistes de trouver une solution qui le magnifie.

Résilience ou sublimation ?

À l’origine, l’assemblage des morceaux cassés se faisait avec de l’or, ce qui donnait à l’ensemble une grande valeur. L’art du Kintsugi s’est peu à peu démocratisé avec la dimension philosophique véhiculée par la méthode.

L’état d’esprit parait proche de la notion occidentale de résilience, qui décrit le dépassement d’un problème ou d’une souffrance. Mais là où la résilience consiste à faire de petits pas de côté pour éviter l’obstacle, la culture du Kintsugi prend acte de la blessure pour la magnifier. La résilience se fonde sur la nécessité de progresser, le Kintsugi sur un dépassement. Cette manière de considérer l’existence est fondée sur la dignité humaine, dont les cicatrices forment autant de portes vers soi-même et vers le monde.

Une proximité biblique

Cette philosophie du retour au sens après une épreuve qui en a privé quelqu’un se fonde en six étapes qui évoquent des parallélismes avec les récits de Noël. Par exemple, la Pause. Une épreuve subie ou le bris d’un objet provoque un temps d’abattement et de bilan, une réflexion que l’on retrouve en partie durant la période chrétienne de l’Avent ou celle du carême. Cela rappelle la notion d’annonce, lorsqu’une personne reçoit une nouvelle qui la décentre de sa vie habituelle. Dans le Bible, les annonces faites à Élisabeth et Marie sont totalement inconcevables car elles dépassent deux impossibles concernant la stérilité, que sont la vieillesse et l’absence de fécondation. Il faut pour les accepter faire le deuil de la logique rationnelle. Cette étape demande généralement du temps et de faire un bilan, de poser une analyse.

Redonner du sens

La deuxième étape consiste en l’Assemblage des parties brisées, pour donner forme à une espérance de ce que pourrait être le futur. Puis une troisième étape valorise la Patience. Cela rejoint notamment le récit des bergers suivant les étoiles et cheminant dans la nuit en se demandant ce qui allait advenir.

Lors de la quatrième étape de la Réparation, l’artisan se penche sur chaque pièce pour la relier aux autres avec un fil d’or et colmater les brèches. C’est un travail d’analyse, concentré sur une partie précise. Il s’agit alors d’accepter que de petits gestes viennent modifier le quotidien et lui redonner sens. La capacité de Joseph et Marie à trouver une étable après le manque de place dans les auberges, ou la figure-même de Jésus, faible présence au regard de l’immense Humanité sont des illustrations de la force de la réparation.

Une nouvelle identité

Les deux dernières phases du Kintsugi sont la Révélation et la Sublimation. Quittant le regard de précision sur les parties assemblées, la vision prend de la hauteur et embrasse le tout. L’objet réparé prend alors une identité propre, comme des individus formant équipe. Le Noël chrétien ne s’arrête pas à la naissance du Petit-Jésus, mais prend acte qu’une infime lumière peut redonner espérance à l’obscurité d’une vie. Même si cette philosophie japonaise est centrée sur la thérapie individuelle, ses étapes sont pertinentes et utiles dans le cadre de l’Avent et pour comprendre la réalité de Noël, sublimation de l’amour divin dans un monde brisé.