Le comité interreligieux, composé d’élus de la Région Grand-Est et de représentants des confessions, a de nouveau organisé ce rendez-vous de mai à juillet pour montrer le dialogue qui se pratique dans sept villes alsaciennes. Les groupes interreligieux de ces villes ont proposé des manifestations et la région Grand-Est a apporté son soutien logistique et financier. Maintenant qu’elle est installée, la grande région souhaite développer ce rendez-vous et étendre le travail du comité interreligieux au-delà de l’Alsace. «Ce qu’on fait ici n’est pas assez connu », estime Philippe Ichter, ancien pasteur et collaborateur du cabinet du président de la Région depuis 2013, chargé des relations avec les cultes. Aujourd’hui, aucun groupe interreligieux de Lorraine et de Champagne-Ardennes ne s’est inscrit dans la démarche. Mais les contacts s’établissent. La Région se dit ouverte à ceux qui frappent à sa porte. Actuellement, des communautés juives, musulmanes, catholiques, orthodoxes, protestantes, bouddhistes, hindoues et baha’ies sont représentés au sein de ce comité. Les évangéliques, pourtant nombreux chez nous, ne s’y sont pas associés. « On reste sur une politique du pas à pas ; chaque demande d’intégration fait l’objet d’un débat au sein du comité interreligieux », selon Catherine Zuber, conseillère régionale et membre élue du comité, pour qui le Rendez-vous avec les religions est l’occasion de « montrer un monde ouvert, diversifié et fraternel qui fait l‘effort d’aller vers les autres ».
Connaissance et actions communes
En effet, des personnes, qui ne se seraient peut-être jamais rencontrées, font connaissance et apprennent les unes des autres. « Lorsque je vivais en Algérie, la minorité catholique avait pratiquement disparu et je n’en avais qu’une vague connaissance, relate Mohamed Djaroud, trésorier de l’association savernoise Cultures et religions qui fête cette année ses quinze ans. Depuis que je vis en Alsace, je connais les différences entre catholiques et protestants et je trouve ça très intéressant. » Mohamed Djaroud aime aussi à son tour éclairer les autres sur l’islam. « Beaucoup pensent que c’est une religion monolithique, alors qu’il y a parfois plus de divergences entre les musulmans eux-mêmes qu’entre musulmans et chrétiens. » Certains groupes, comme celui de Saverne et de Mulhouse, affichent même leur ouverture vers toute forme de spiritualité et vers les personnes athées ou qui ne revendiquent pas leur croyance. « Nous ne sommes pas une coexistence de communautés mais d’individus, rappelle Mohamed Djaroud. Quand je parle à quelqu’un, je ne vois pas d’abord sa religion mais sa personne. » Nicole Marecaux, représentante des baha’ies au comité interreligieux, estime que « ce sont les actions communes, comme le Rendez-vous avec les religions, qui font que le dialogue s’installe. Au fur et à mesure, on devient même amis. »
Cet effort n’est pas partagé par tous et les situations sont diverses. Certains participent timidement, par peur d’être jugés ou sous la pression de la communauté tandis que d’autres tentent d’utiliser les groupes interreligieux comme une vitrine de leur communauté ou essaient de négocier une démarche prosélyte. Le contexte national (attentats) et international (Israël-Palestine, Syrie) traverse aussi les communautés. Il faut parfois beaucoup d’énergie pour s’entendre lorsque les personnes ont des manières différentes de penser, entre religions monothéistes et polythéistes par exemple. « C’est toujours un travail de longue haleine », constate Danielle Mathieu-Baranoff, présidente de Cultures et religions. « Dans une certaine mesure, nous faisons barrage aux clichés, aux dérapages et à la radicalisation, explique Kemal Ergül, vice-président de Cultures et religions. Les gens commencent à comprendre ce qu’est l’interreligieux. »