« C’est moi, n’ayez pas peur », disait Jésus apparaissant à ses disciples. « J’avais peur alors j’ai caché ton talent », disait l’ouvrier au maître de la parabole. Notre monde a un problème avec la peur. Car ce corps, dont nous fuyons trop souvent les manifestations comme impures ou viles, a été créé pour ressentir la peur. Les poils se hérissent, les mains deviennent moites, les os tremblent dans la carcasse, c’est physiologique. La peur existe et elle est saine.

La peur est saine

Le problème de notre société n’est pas la peur elle-même, car tout le monde a peur, mais d’avoir associé la peur avec le mal. C’est mal d’avoir peur, il faut être fort en toutes circonstances, ne pas pleurer, être courageux en tout, performant, dynamique. Nous avons évacué le droit à la peur, en l’associant au mal.

Lorsque Jésus s’adresse à ses disciples en leur demandant de ne pas avoir peur, il ne dit pas qu’elle est négative, mais s’identifie pour l’apaiser. On a peur de ce qu’on ne connaît pas. Lorsque le serviteur cache le talent de son maître dans la terre, ce n’est pas la peur qui lui est reprochée, mais le choix fait. Lorsque des femmes fuient le tombeau ouvert et ne disent rien par peur, ce n’est pas la peur qui est en cause, mais le silence.

Le nier est mortel

Le vrai problème, c’est quand on ne s’avoue pas sa peur. On la cache alors dans un grand sac que l’on porte avec soi. Peur du vide, de la faiblesse, de l’échec, le sac à peur ne cesse de s’alimenter de ce qu’on ne reconnaît pas. Le souci de ce sac est qu’il est percé. À chaque pas la peur en coule, elle se répand alentour dans tous les actes que nous posons, les rencontres aussi. Qui a peur de la faiblesse fait alors acte de force et cherche à dominer. Qui a peur des conflits laisse pourrir les situations. Qui a peur du vide cherche le moindre détail et ralentit l’action. Le souci n’est pas la peur mais le fait de ne pas l’accepter et la laisser ainsi déborder sur les autres.

La Pentecôte ne consiste pas à être des super-chrétiens qui nient la peur, mais à accepter d’être éclairés de l’intérieur par une flamme d’esprit qui vienne identifier nos peurs et nourrir ainsi de nouvelles rencontres au lieu de les polluer.