A la Mission Populaire, comme dans nos fraternités, nous débattons souvent de la spiritualité et en particulier, de quelle façon nous la faisons vivre au sein de nos lieux d’accueil. De ces échanges, parfois animés, plusieurs idées émergent. Pour certains d’entre nous, la spiritualité s’exprime simplement par le partage des convictions de chacun, pour d’autres, nos fraternités ne doivent justement, pas affirmer cette spiritualité, car elle peut nous mettre en porte à faux avec les valeurs de laïcité de la république. Il y en a même qui pensent qu’il faut gommer toutes convictions pour respecter une neutralité salutaire, et cela particulièrement vis-à-vis d’éventuels financeurs pour qui l’affirmation de quelle que foi que ce soit, sonneraient le glas des subsides indispensables que sont les subventions, pour la survie nos farts. Certains, au contraire, revendiquent les valeurs premières d’évangélisation de la Mission Populaire, se référant à ses origines et à son fondateur, le révérant Mac All. D’autres, trouvent que nous ne témoignons pas assez de la foi chrétienne, que nous n’osons pas nommer les choses et que cette tiédeur n’est pas assez porteuse d’espérance. J’ai même entendu certains convaincus que témoigner ne suffit pas et qu’il faudrait évangéliser et convertir.
Ce qui se dit
Au milieu des expressions les plus variées de nos diverses compréhensions de la spiritualité, ne devons nous, pas tout d’abord, nous interroger sur ce qu’en comprennent les participants des activités de nos fraternités ? Comment s’y retrouvent-ils, au milieu de toutes ses valeurs affirmées ou mises sous le boisseau ? Et nous que disons nous aux nouveaux arrivants ? Ce que disent nos chartes, nos statuts, nos objectifs : que nos frats sont des lieux ouverts à tous, dans le respect des convictions de chacun. Alors qu’en pense ceux qui poussent la porte de nos foyers ?
Des échanges avec les salariés et les pasteurs animant les frats, comme des réponses des participants de ma fraternité, j’ai retenu que la plupart d’entre eux connaissent pertinemment le fondement chrétien de nos associations. C’est d’ailleurs pour cela, qu’ils savent qu’ici, leurs propres convictions, seront respectées et c’est bien pour cela qu’ils s’y sentent à l’aise et qu’ils peuvent s’y exprimer librement.
Nous avons tous à l’occasion des fêtes religieuses des uns et des autres, l’opportunité de pouvoir laisser s’exprimer les convictions de chacun et d’ainsi d’apprendre à mieux connaitre l’autre, à nous rassurer parfois, de ce qui nous réunit et à s’interroger sur ce qui peut nous diviser. Dans ces temps de rencontres, le plus souvent des préjugés tombent pour laisser place à de l’interconnaissance qui nous rapproche de sœurs et de frères que nous ne connaissions pas toujours vraiment.
Des mages venus d’orient
A l’occasion de l’épiphanie, c’est en parlant de l’arrivée des mages venus d’orient qui viennent voir l’enfant roi qui vient de naitre, qu’une dimension nouvelle de l’ouverture à l’autre s’est manifestée. Alors que j’expliquais que la naissance de cet enfant, reconnu en premier lieu par des bergers marginalisés par la société, puis par des étrangers, venait ouvrir une porte de l’espérance à tous, une personne m’a demandé si les mages étaient d’une autre religion et s’ils s’étaient convertis après avoir rencontré Jésus. Oui, ils étaient vraisemblablement d’une autre religion, mais on ne nous dit pas, dans la bible, ni qu’ils se soient convertis, ni qu’ils n’aient jamais, par la suite évoqué ce petit enfant roi, qu’ils étaient venus rencontrer. Ces mages venus d’orient, sont des savants curieux qui se sont intéressés à un phénomène astral en suivant juste une étoile, une comète plus brillante, qui selon eux annonçait la naissance d’un grand roi. Par cette étoile l’enfant roi s’est juste manifesté, il s’est fait connaitre à eux. Mais la présence des mages auprès de Jésus a aussi son importance, parce qu’en choisissant de ne pas retourner vers le roi Hérode, pour lui dire où se trouvait l’enfant, les mages ont permis à Marie et Joseph de disposer de plus de temps pour s’enfuir et sauver Jésus de la folie meurtrière de ce roi Hérode, qui fit tuer tous les enfants de moins de deux ans. On peut donc affirmer que ces sages étrangers ont compté pour la vie de l’enfant et sa famille.
Dans nos fraternités comment s’exprime la spiritualité ?
Dans nos fraternités, nous savons que c’est dans l’échange, l’interconnaissance que se dessinent notre rôle, notre utilité sociale, notre mission. Ne devons nous pas laisser la lumière allumée pour que celui qui passe, sache qu’ici, il peut oublier l’obscurité de sa vie ? Ne devons nous pas laisser la porte ouverte à tous, afin que chacun sache qu’ici, quelques soient ces convictions, il y est attendu, sans autre volonté que de l’accueillir juste comme un frère, parce que c’est ce qu’il est, un frère au sens où le Christ l’entend, un frère que l’on aime d’un amour inconditionnel ?
Mais je suis persuadée que ça nous le savons tous, car dans la plupart de nos fraternités un mot revient très souvent lorsque les participants s’expriment sur ce qui leur plait dans leur fraternité : ce mot c’est « famille ». Alors, il semble que nous n’avons plus besoin de savoir si nous devons témoigner de notre foi ou la taire ou si nous devons évangéliser voir convertir, car cela n’a plus aucune importance, car c’est bien là, dans ce mot « famille » que se situe le plus important de notre mission, accueillir l’autre juste parce qu’il est notre frère ou notre sœur en l’humanité.