Le temps du « ministère » de Jésus au milieu de ses disciples sur la terre d’Israël et alentour. Avant la résurrection. Le temps du péché ? Le temps de notre péché, comme un pré-Carême… Le temps de la vie ordinaire des gens, où nous entendons Jésus prêcher, où nous le voyons vivre comme l’un d’entre nous, tels des Galiléens ou des Judéens ordinaires. Le temps où cela ne nous fait rien, ne change pas notre vie. Le temps où nous choisissons dans ses paroles et ses gestes ce qui nous plaît, et où nous oublions ce qui nous dérange. Le temps où nous traitons Jésus comme un bon auteur, un sage philosophe, un modèle moral ou un militant engagé mieux que nous… Le temps où nous arrachons et jetons des pages entières de la Bible !

Ce temps est-il inéluctable, pour les paroissiens, les pasteurs, les diacres, les théologiens et pour tous les autres ? Les médias nous le font croire, et l’esprit du monde nous le fait croire. Le diable nous le fait croire : il est un spécialiste de l’inéluctable, du « tu ne changeras jamais », du « ça a toujours été comme ça », etc. Il légitime l’immobilité, l’injustice, la lâcheté des gens et des peuples, et la mienne aussi.

Le temps où l’accusateur a été expulsé du tribunal de Dieu, oui, mais où il se traîne sans ses pattes, sur terre, au milieu de nous, en nous. Le temps intermédiaire, ordinaire, serait-il le temps du diable ? C’est en tout cas le temps de la tentation, le temps où nous avons appris à regarder au ciel, mais où pourtant nous sommes toujours tirés vers le bas, quel que choix que nous fassions.

Que pouvons nous vivre alors en février, et plus généralement dans tous les hivers de nos existences ? Soit nous écoutons la voix insidieuse de l’isolement et du désespoir, celle du temps intermédiaire qui ne finit jamais, soit nous regardons vers devant ; nous regardons le grand amour dont nous avons été aimés et qui nous est raconté toujours à nouveau pendant le Carême et jusqu’à la croix. Vivre mars et Pâques en février ? Oui, c’est possible ! C’est possible de regarder toujours la croix non pas comme si c’était notre échec, mais en tant qu’elle est notre victoire.

Certes nous sommes toujours attirés vers en bas. Mais cela ne compte plus. La résurrection de Jésus nous a libérés du temps, elle nous a libérés de l’esclavage. Ce n’est pas dans ce numéro de février qu’il faut en parler parce que nous sommes en février ? Eh bien si, justement. C’est en hiver qu’il faut parler du printemps ou, plutôt : c’est lorsque nous sommes prisonniers qu’il faut parler de libération et de liberté ! Car prisonniers, nous le sommes de nous-mêmes, et c’est de nous-mêmes que le Christ nous a délivrés, rachetés.

Il a renouvelé notre « temps ordinaire » afin qu’il ne soit plus intermédiaire, mais durable. Il a fait de nous des gens ordinairement libres, ordinairement croyants et fidèles, ordinairement liés à Dieu pour toujours par la grâce. Nous a-t-il rendus bons ? Plaise à Dieu ! Mais même si ce n’est pas (encore) le cas, sa bonté à lui nous transporte sans cesse de notre misère à sa gloire, de sa croix à notre résurrection. Et cela seul compte. Le diable a été vaincu, le temps intermédiaire a disparu, vivons donc l’éternité offerte, en Christ !