Les aumôniers de prison célèbrent des cultes, animent des groupes d’études bibliques et visitent les détenus dans leur cellule.

Cet après-midi-là, le rendez-vous est donné devant la maison d’arrêt de Strasbourg avec Jean-Paul Colobert, l’un des deux aumôniers protestants qui intervient bénévolement dans cet établissement. Là, les familles attendent aussi pour accéder aux parloirs et à leurs proches incarcérés. Après la prise de la pièce d’identité et du téléphone portable par l’administration pénitentiaire, le passage sous le portique de sécurité, la récupération du badge d’identification et le franchissement de plusieurs portes contrôlées par les gardiens, la salle de l’aumônerie, partagée par toutes les confessions, est le seul lieu sans gardien ni caméra.

Les fenêtres aux barreaux sont ornées de motifs rappelant des vitraux d’église. Un pupitre est rangé dans un coin. Jean-Paul Colobert dispose une dizaine de chaises pour créer un cercle. Juriste de métier, il a été responsable d’une Église évangélique pendant plusieurs années avant de devenir aumônier de prison. « Cela fait presque trois ans que j’interviens ici. Je viens environ une fois par mois et ça se passe très bien, j’ai de bonnes relations avec les détenus.» Ces derniers arrivent et le saluent chaleureusement. La séance tourne autour d’un texte sur la présence de Dieu dans la solitude, que Jean-Paul Colobert a apporté. Les discussions sont riches autour de la souffrance, du libre-arbitre et du «plan de Dieu». Parmi les détenus, il y a en a même un qui passe une licence en théologie auprès de la Faculté catholique de Strasbourg. Car dans cette maison d’arrêt, le groupe de parole est œcuménique, comme dans la plupart des établissements. Celui-ci rencontre régulièrement une sœur, un prêtre et deux laïcs côté catholique ainsi qu’un pasteur et deux laïcs côté protestant.

«On nous replace dans notre condition humaine»

«Moi j’ai découvert Dieu en prison, explique un jeune homme. L’écoute de l’aumônier est toujours bienveillante, ça permet de se livrer, plus qu’à un psy.» Les détenus apprécient par-dessous tout de ne pas se sentir jugés. «Au contraire de l’administration pénitentiaire, l’aumônier nous replace dans notre condition humaine. Pour une bonne partie du personnel pénitentiaire, on doit souffrir pour ce qu’on a fait et l’aumônier nous apaise», relatent-ils. Pour qualifier ces moments avec la présence d’un aumônier, ils sont unanimes : «havre de paix», «ouverture». L’intensité et la ferveur dans la réflexion, le partage spirituel et la prière semblent d’autant plus forts pour ces détenus qu’ils se sentent mis au ban de la société, au vu des délits ou des crimes qu’ils ont commis. Pour Pascal Hickel, pasteur responsable du Grand-Est de l’aumônerie des prisons, l’enjeu est de partager avec les détenus et avec la société que «les personnes ne sont pas réduites à leurs actes car elles sont toujours en chemin.»

L’aumônerie protestante des prisons

Ce service de la Fédération protestante de France est découpé en dix régions avec, à la tête de chacune, un aumônier régional. Toutes les familles protestantes peuvent y être représentées. La commission régionale pour le Grand Est est composée du pasteur Pascal Hickel, mis à disposition par l’UEPAL, d’un représentant de l’Acat, d’anciens aumôniers de terrain, d’une responsable d’un atelier d’écriture et aussi d’un psychanalyste et d’une avocate. La commission a pour but de recevoir les candidats, d’accompagner les aumôniers dans leur formation initiale et continue et dans leur mission, de réfléchir aux questions de justice et de sensibiliser les paroisses. Le Grand-Est compte 24 aumôniers pour 21 établissements. La plupart sont des laïcs bénévoles. Actuellement, ils suivent pendant un an le diplôme d’université aumônier validé par le Ministère de l’Intérieur. Selon Pascal Hickel, les besoins en aumôniers sont «grands».