Dès les premières pages des évangiles retentit un vibrant appel à la conversion c’est-à-dire à une changement radical de vie. C’est dire que nous ne sommes pas condamnés à répéter les mêmes errances, mais qu’il y a pour chacun-e, un changement possible, individuellement et collectivement. Ce changement, j’oserai dire, au risque d’être réducteur, qu’il est ouverture à l’altérité, que celle-ci désigne une transcendance ou tout simplement les autres humains, et plus généralement tous les vivants.

Force est de constater que changer radicalement de comportement, ne serait-ce que nos modes de consommation et de production, n’est pas chose aisée. Alors même qu’un consensus se dégage pour dire que, sans une baisse drastique de nos émissions de gaz à effet de serre, nous courons à notre perte. Pourtant tant de résistance ? Sans doute parce que l’humain est enclin naturellement à rester auto-centré et prisonnier de son ego.

C’est vrai sur le plan individuel mais aussi collectivement. Nous ne parvenons pas à remettre en cause radicalement le système économique dans lequel nous sommes installés et qui est fondé sur le dogme de la croissance et sur le productivisme. Qu’il est ardu d’être délivré de ce satané désir de toute puissance qui fait de l’humain le plus grand prédateur parmi les vivants !

Les profits financiers ou la planète ?

Notre actualité politique nous en donne une triste illustration. Je veux parler du projet de loi « climat et résilience ». Les membres de la convention citoyenne pour le climat sont déçus et on les comprend. Il y a quelques mois déjà, ils regrettaient qu’Emmanuel Macron laisse tomber, d’entrée de jeu, trois des mesures les plus importantes qu’ils avaient proposées, notamment celle qui préconisait une taxe de 4% sur les dividendes ; Emmanuel Macron donnait comme prétexte que cette mesure allait décourager les investisseurs. Or cette mesure justement pointait un des plus graves dysfonctionnements de notre système économique, qui est à l’origine du réchauffement climatique et aussi du creusement des inégalités entre riches et pauvres, je veux parler de la recherche de profits financiers toujours plus juteux, logique qui nous conduit tout droit dans le mur, puisque le désir de gagner toujours plus d’argent provoque immanquablement une course à la production de biens et à la consommation, ce qui, par voie de conséquence, entraine la hausse des gaz à effet de serre et l’épuisement de nos ressources naturelles.

Aujourd’hui, les membres de la convention déchantent totalement. En effet, le projet de loi « climat et résilience » qui va être mise en débat les semaines à venir ne rassemble, partiellement ou en intégralité, que 46 des 149 propositions de la convention citoyenne, soit 30 % seulement.

Besoin de prophètes

Dans un avis critique rendu fin janvier, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) rappelle que, pour atteindre l’objectif de réduction de 40 % des émissions en 2030, il faudrait « tripler le rythme annuel de réduction » : « C’est un bouleversement profond qui est visé dès maintenant, et non un ajustement à la marge. »

Si « les nombreuses mesures du projet de loi, considérées une à une, sont en général pertinentes », elles sont « souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles que l’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché ».

Allons-nous toujours tourner en rond en restant centré sur un système économique destructeur ? Ce n’est pas une fatalité. Heureusement il y a des empêcheurs de tourner en rond. Dans la bible on les appelle les prophètes.

Je pense à « l’Affaire du siècle », ce procès intenté à l’Etat français, par des ONG comme OXFAM et bien d’autres, pour son « inaction » en matière de réduction des gaz à effet de serre. La justice vient de reconnaître la responsabilité de l’Etat. Certes La procédure juridique n’est pas terminée. Le tribunal doit maintenant décider s’il ordonne à l’Etat de prendre des mesures supplémentaires pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et respecter ses engagements pour le climat. Une nouvelle audience aura lieu au printemps.

Espérons prions et agissons pour que d’autres prophètes se lèvent pour nous empêcher de tourner en rond trop longtemps !

Christian Bouzy est équipier-pasteur et directeur de la Fratenité de la Mission populaire du Foyer de la Duchère à Lyon (69).