Annoncé comme moins létal et plus contagieux, le Covid Omicron semble créer une nouvelle donne dans la population. Jusqu’alors, tous les moyens mis en œuvre par l’État visaient à contenir drastiquement la propagation du virus et la population suivait ce qu’elle en pouvait ou voulait. La gestion de la crise était statistique, le but étant d’adapter les mesures à la fréquentation hospitalière pour ne pas engorger les réanimations. Les Églises suivaient ce mouvement.

Nouvelles perspectives

Il en est autrement aujourd’hui. L’évolution du virus incite à un changement majeur de doctrine. Toujours en visant les statistiques en réanimation, les décideurs lâchent du lest à un peuple épuisé pour ne plus contenir mais accompagner l’épidémie, au risque de saturer les hospitalisations classiques. Le terme d’immunité collective a refait surface et des charges ont été sonnées contre les opposants au vaccin, qui peuvent à eux seuls dans ce contexte différent saturer de nouveau les réanimations. Là encore, l’approche est statistique.

De la statistique à la personne

Il est toujours bizarre d’entendre parler de gestion statistique concernant des vies humaines qui sont autant d’individus et de foyers. Les malades et les morts comptés par centaines sont ces familles que les Églises ont eu beaucoup de mal à accompagner pendant et surtout après les drames. Durant cette période, une cohésion de la société et des communautés ecclésiales a pu être attestée, soutenue par la nécessité de s’organiser pour vivre le plus normalement possible. Certains râlaient, d’autres encourageaient, mais la population a globalement tenu les restrictions et décisions diverses qu’elle a dû affronter. Cela a pu se faire à cause de la peur, de la solidarité, de l’intérêt que chacun pouvait porter à son voisin plongé dans la même aventure.

Le risque de la liberté

Mais aujourd’hui les comportements personnels changent. D’une part le soulagement réduit le port du masque ou le lavage des mains et augmente la proximité entre les personnes. D’autre part la nécessaire solidarité a fait place à un éparpillement des points de vue sur la situation, les interdits non sanctionnables, la complexité de la prévention ou la dangerosité du virus. Chacun a son interprétation et sa raison, le voisin étant soit un allié soit un facteur de risque. La liberté partiellement retrouvée a clivé le pays, l’Église, les familles. Et dans ce processus stressant de libération de la maladie, se profilent des comportements délétères de désignation de boucs émissaires : antivax, administration…

L’aventure de la transition

Les fins de règnes se ressemblent toutes. Tout se craquèle et se fissure lorsque l’effort se confronte à la dernière ligne droite, la levée progressive de l’urgence. L’exemple type est l’école qui subit des dispositions sanitaires variables, face auxquelles certains enseignants craquent soudain et des parents avouent rassembler leurs enfants pour qu’ils attrapent ensemble la maladie. Ces réactions ont la même intensité que les solidarités précédentes.

Dans cette période de transition, l’action des Églises est importante, car elle porte sur l’altérité. Parler d’altérité n’est pas seulement reconnaître l’autre comme différent de soi et donc digne d’avoir des raisonnements ou des attitudes parfois incompréhensibles. Vivre l’altérité, c’est rompre avec la figure du bourreau qui impose une compréhension du monde, du sauveur qui pourfend les imbéciles, des victimes systématiques de l’attitude des autres. C’est regarder son frère et lui sourire, car demain est là. Cette aventure de transition est le principe même d’un évangile de la résurrection.