Mais elle est en France partiellement incomprise. Pourtant, elle est une porte vers la compréhension de l’autre, cette altérité chère aux protestantismes.

Certaines organisations chrétiennes militent pour que le fait religieux soit au centre de l’espace public et fonde la Nation sur les traditions séculaires. Elles promeuvent une vérité absolue de la foi et ont été rejointes en cela par des mouvements musulmans. Une autre conception revendique cette vérité exclusive au nom de la science, des techniques et du savoir, qui doivent fonder toute décision politique. Ces deux conceptions révèlent une incompréhension de ce qu’est la laïcité. Favoriser l’unité En séparant l’État des organisations religieuses ou philosophiques, la laïcité « à la française » travaille à l’unité de la société. Reconnaître les traditions du peuple sans avoir à valider les croyances qui les ont inspirées, permet en effet d’affirmer une neutralité susceptible de rassembler. En dégageant l’espace public d’enjeux de croyances ou d’idéologies, la laïcité reconnaît également une liberté d’intelligence où chacun peut analyser, exercer un jugement ou un discernement. Cela favorise le dialogue social au-delà des différences de pensée ou de culture. Enfin, dans la mesure où les convictions de chacun ont un égal statut aux yeux de la loi, la laïcité valorise l’altérité : chacun peut reconnaître l’autre comme différent ET légitime.

L’altérité, gros mot oublié

Pour le protestantisme qui prône la conscience de l’altérité en proclamant un Dieu « tout autre », toujours différent de ce qu’on imagine, la laïcité peut être un bien précieux. Le mal qui la ronge s’appelle aujourd’hui le manque d’éducation. Depuis un demi-siècle, Françoise Dolto ou les nouvelles pédagogies scolaires nous ont appris que l’éducation se veut souvent apprenante, ouverte à l’autre et humaniste. Les résultats sont spectaculaires. Dans les médias et les réseaux sociaux, les intervenants défendent cette laïcité au nom d’un humanisme qui permette à chacun de trouver sa place dans un monde devenu famille humaine. C’est oublier que l’humanisme est un système de pensée et que la loi entend protéger la notion même d’altérité, cette soif de l’autre qui fonde toute vie sociale. La laïcité n’est pas une opinion ou une pensée. Elle est le principe qui les autorise toutes.

Retrouver une éducation

L’éducation à l’altérité est ainsi de moins en moins enseignée, au point que les services sociaux de plusieurs départements de la région (92, 77 et 93 notamment) signalent nombre de parents paraissant perdus devant les questions de leurs enfants sur la différence de l’autre. Au catéchisme même, certains parents disent conseiller à leurs enfants de répliquer sans céder en cas d’opinions divergentes, car il faut être fort pour ne pas être écrasé. Se crée ici la première génération qui ne maîtrise plus les codes de l’altérité. Quand l’autre devient relatif, le dialogue n’est plus prioritaire. Il peut céder rapidement la place à la violence ou à la tentation populiste. Au point que cette question s’invite aujourd’hui au cœur des programmes de l’éducation morale et civique (EMC) de l’enseignement scolaire.

L’Église au soutien de l’État

L’État pourrait bien faire appel au maillage associatif pour le soutenir, dans le cadre de partenariats dans cette éducation à l’altérité. Les religions peuvent y prendre leur part en assumant un rôle de médiation sociale, par l’attention portée à l’autre et au monde, et par une éducation à l’altérité. Des religions capables de signer une charte de laïcité pour devenir partenaires de l’État et vivre ainsi les conséquences de leur foi… les voies du Seigneur sont impénétrables.