Puisque le moment est à présenter des vœux, j’en formulerais un pour notre pays. Après la longue période de grève qui a marqué la fin de l’année – et qui pourrait bien se prolonger encore – je nous souhaiterais d’apprendre à nous parler. Donc à nous écouter ! Pas à s’écouter soi même en se réjouissant de nos effets oratoires et en se félicitant d’avoir cloué le bec de nos interlocuteurs ou contradicteurs. Non, apprendre à parler aux autres et donc à les écouter. A solliciter leur parole et à l’entendre.

Ce qui me frappe en effet dans nos débats sociaux français c’est notre surdité à l’autre. C’est notre difficulté à savoir écouter. Savoir écouter et entendre. Que nous ne soyons pas tous du même avis est une évidence. Chacun voit midi à sa porte dit-on familièrement. C’est une profonde vérité. Nos positions sociales ne sont pas les mêmes, nos points de vue sont donc différents, nos intérêts aussi parfois. Mais ce qui peut d’abord sembler une difficulté ou une impossibilité peut aussi être une chance. Une chance parce que la vérité n’existe pas par elle-même et ne peut en aucun cas être possédée par un seul ou par un seul point de vue, fut-ce celui d’un gouvernement. Lorsqu’il est question du bien commun, comment pourrait on parvenir à une solution satisfaisante pour le plus grand nombre si l’on ne prend pas largement en considération les idées et propositions de tous ?

Certes, une réforme telle que celle des retraites nécessite une colonne vertébrale, une philosophie d’ensemble et une cohérence des dispositions retenues. Mais celles-ci peuvent être exposées, discutées. Or, au fil des jours, il apparaît de plus en plus évident que la stratégie du gouvernement n’est pas à la recherche d’un consensus mais à imposer ses conceptions, d’imposer ses volontés !

Bien sûr il y a ceux qui veulent que rien ne change. Ceux-là campent sur une position simple : le refus du dialogue qui supposerait d’entrer dans la logique du changement. « Il n’y a rien à négocier, disent ils, il faut retirer cette loi ». Mais ce n’est pas la position de tous ! Or on l’a vu, on le voit, ceux qui étaient prêts à prendre des risques pour tenter d’aboutir à des compromis satisfaisants, ceux là sont humiliés, ils se voient imposer des dispositions qu’ils avaient pourtant dites inacceptables. Comme si le pouvoir voulait montrer que lui seul sait ce qui est bien et nécessaire, que lui seul a raison puisqu’il a les rênes. La raison du plus fort …! Triste situation !

Certains de ceux qui étaient à l’origine du projet et considéraient qu’une réforme était nécessaire pour redonner confiance dans notre système de retraite, qui l’avaient même suggérée au candidat président, qui l’avaient pensée et portée, ne comprennent plus la position du chef du gouvernement. Comme si celui-ci n’était plus que dans un rapport de pouvoir, qu’il n’était plus dans le dialogue qu’il affirme pourtant toujours possible. Comme si on était seulement dans la démonstration de force, plus dans la recherche du «bien commun». C’est pourtant lui, « le bien commun », qui permet le vivre ensemble. «Pas de paix durable sans justice sociale» affirmait les fondateurs de l’Organisation internationale du travail en 1919 ! Il y a cent ans ! Mais la justice sociale, difficilement compatible avec la maximalisation des profits, suppose un dialogue honnête et loyal, une parole franche, la reconnaissance des positions et des apports des autres et la recherche d’un consensus. Pas que ceux qui sont au pouvoir imposent leurs vues. Quel gâchis ! Ça pourrait se payer cher dans les urnes !

Dans les années où il avait le vent en poupe, le parti québécois qui prônait l’indépendance de la Belle province, avait lancé un mot d’ordre « On est six millions, faut s’parler ! »
Ne pourrait-on en ce début d’année se dire les uns aux autres en guise de vœux de Nouvel an « on est si peu (la France c’est moins de 1% de la population mondiale) faut s’entendre ! » Chiche !