« L’indifférence à la vérité est incompatible avec la démocratie. » L’ère de la post-vérité est bien celle du bullshit institué à une échelle globale, et seule une compréhension fine de ce phénomène permettra d’engager la lutte qui se prépare. Mais aurons-nous le temps de prendre conscience collectivement de la nécessité de faire confiance aux vérités énoncées par nos semblables qualifiés ?

Total bullshit ! Au cœur de la post-vérité, constate Sebastian Dieguez dans son dernier ouvrage, sans baratin ni aucune grossièreté, bien évidement. Le dictionnaire d’Oxford, qui a fait de cette expression le mot de l’année en 2016, désigne par ce terme des «circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour former l’opinion publique que l’appel à l’émotion et aux croyances personnelles», qui caractérisent l’époque. Cette définition, reprise de l’anglais et du philosophe américain Harry Frankfurt, inventeur du concept en 1986, a justement pour but d’éloigner «le lecteur francophone de la charge émotionnelle et des différents sens que les termes “foutaise”, “conneries”, etc., pourraient lui évoquer, afin d’en faire un concept neutre sur lequel on peut réfléchir.»

La «vérité» – Des évangiles aux populismes

«Alors que le recours aux mensonges, “Fake News” et autres “bullshits” est ouvertement pratiqué jusque dans les plus hautes sphères d’États démocratiques, le concept de vérité a-t-il encore du sens? Oui, affirme Sebastian Dieguez, puisque sa disparition pourrait entraîner celle de notre civilisation […] L’indifférence à l’égard de la vérité est incompatible avec la démocratie,» synthétise le chercheur en neurosciences au Laboratoire des sciences cognitives et neurologiques à l’université de Fribourg, en Suisse.

Via les réseaux numériques et la culture de masse, la diffusion de faussetés sur des sujets qu’on ne connaît pas, par exemple en ce qui concerne les politiques nécessaires à l’emblématique réchauffement climatique au niveau mondial, peut-elle aller jusqu’à mettre en danger, si ce n’est notre espèce, du moins notre civilisation ? […]