Celles restées opérationnelles n’ont pas tardé à être saturées.

Ces associations ont suspendu leurs missions pour se concentrer sur la seule distribution alimentaire. « Nous recevions les familles une à une et remplissions leurs sacs sans leur laisser le choix des produits, par la fenêtre », relate Pascale Le Gall, vice-présidente du Centre social protestant (CSP). « Nous n’avions plus de temps pour discuter avec elles », abonde le Major Joël Etcheverry, responsable de l’antenne de l’Armée du Salut à Strasbourg. Face à l’urgence, les deux organisations protestantes ont dérogé à leurs règles : connus ou non, orientés par les services sociaux ou pas, tous étaient secourus, sans limitation de durée. À chaque distribution, le CSP répondait à deux fois plus de personnes qu’à l’habitude. Joël Etcheverry décrit de véritables scènes de panique devant les locaux de l’Armée du Salut : « Tout le monde se jetait sur les colis. Nous étions tellement épassés qu’on a dû fermer deux jours pour signifier qu’il fallait garder son calme. » L’urgence et la détresse inédite ont remisé à l’arrière-plan les valeurs de chacun, que ce soit celles des bénéficiaires comme celles des acteurs caritatifs. La survie primait. Ainsi « des personnes acceptaient sans réserve des produits que leurs régimes alimentaires stricts leur interdisent habituellement », confie Joël Etcheverry. « Le principe premier de notre organisation est d’aider dans la dignité, insiste Pascale Le Gall, de s’attacher à la qualité et à la diversité de l’alimentation, aussi bien que de proposer en temps normal des vêtements à la mode et un  large éventail de produits d’hygiène. Là, on n’a pas pu être aussi regardant, nous avons dû privilégier la quantité. » L’improvisation passée, le CSP a élargi ses créneaux d’ouverture tout en limitant le nombre quotidien de ses bénéficiaires.

« Ça ne va pas s’arrêter »

« Nous sentons une forte tension depuis le déconfinement », prévient Pascale Le Gall. « Ça ne va pas s’arrêter. » Au public habituel des migrants aux droits incomplets, s’ajoutent désormais de nouveaux publics en difficulté,intérimaires et autres travailleurs précaires dont les revenus ont chuté. Le CSP projette de maintenir son système de crise jusqu’à l’automne. « Mais nous devons reconnaître nos limites, et rester dans notre rôle de béquille, prévient l’assistante sociale. Nous espérons que la Ville renforcera son aide aux personnes de droits communs et que les institutions publiques prendront des mesures. » L’Armée du Salut constate un retour progressif à la normale depuis la réouverture d’autres associations. Son objectif à présent est de reprendre contact avec les seniors. « Nous espérons aussi pouvoir offrir des vacances aux enfants d’ici la fin de l’été, explique
Joël Etcheverry, un temps de répit qui leur permettrait de s’éloigner de leurs conditions de vie. » Pendant la crise, l’Armée du Salut comme le CSP n’ont pas mobilisé leurs bénévoles et ont assumé leur mission avec les seuls salariés volontaires.