Permettez-moi d’abord un petit détour : Henri Blocher, dans son commentaire de Genèse 1 à 3, s’interroge sur l’influence des travaux scientifiques sur l’exégèse du récit de la création. Il pose ainsi la question suivante : « Nous pouvons espérer, dans un effort de lucidité, rendre [l’influence des conclusions scientifiques] négligeable. Le devons-nous ? […] est-il juste de tenir compte des conclusions scientifiques […] dans l’interprétation de l’Église ?1 »

Pour répondre à cette question il fait la distinction entre un rôle magistériel et un rôle ministériel des travaux scientifiques. Il affirme que dans une exégèse évangélique, les travaux des archéologues ou des biologistes ne peuvent en aucun cas avoir un rôle magistériel. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas faire autorité. Ils ne peuvent pas dicter les conclusions du théologien. À l’inverse, il défend que les conclusions scientifiques peuvent avoir un rôle ministériel. C’est-à-dire qu’elles peuvent venir en aide au théologien en étant à son service.

Henri Blocher utilise cette distinction uniquement au sujet des conclusions scientifiques et de l’exégèse, mais il me semble que la même logique peut être suivie concernant l’Église et la culture. D’une part, la culture ambiante ne peut pas jouer de rôle magistériel pour l’Église. Ce n’est pas à notre société de dicter à l’Église ce qu’elle doit faire et ce qu’elle doit penser. Par contre, la culture a néanmoins le droit à la parole. C’est légitimement qu’elle peut être au service de l’Église en la questionnant et en lui apportant le fruit de sa réflexion. La culture, aussi « non-chrétienne » soit-elle, peut avoir un rôle ministériel pour […]