On se souvient de Valérie Pécresse, brocardée pendant la campagne des régionales : la future présidente de l’Ile de France s’était écrié « Rien de tel qu’une femme pour faire le ménage… ». Moqueries, blagues douteuses, sexisme, pression, harcèlement… A l’heure des présidentielles, on peut se demander si les femmes sont des hommes politiques – et des électeurs – comme les autres.

Une représentativité encore déséquilibrée

Seulement deux candidates aux élections présidentielles sur onze impétrants : voilà qui n’est pas très représentatif de la population générale. Un constat qui n’est pas sans rappeler l’apostrophe de Nathalie Kosciusko-Morizet durant les primaires de la droite : « les femmes ne sont pas une exception, elles sont juste la moitié de l’humanité ». Sourires entendus, gêne de certains, suspicion d’insolence voire d’hystérie… On demande souvent aux femmes qui s’engagent en politique de rester à leur place. Une place souvent chèrement gagnée et d’où elles sont priées de bien se tenir.
Depuis les années 2000, les lois sur la parité ont (un peu) fait évoluer les mentalités. Près de 50% de femmes siègent désormais dans les conseils municipaux et départementaux – toutefois présidés à 90% par des hommes – mais il y a seulement 25% de femmes parmi les parlementaires, seuls 16% sont maires. Si l’une d’elle fut un premier ministre éclair, aucune n’est encore parvenue à la magistrature suprême.

Depuis qu’elles ont obtenu le droit de voter en 1945 – et donc de se présenter à une élection, les femmes déploient toute leur énergie pour asseoir leur légitimité dans un univers où on leur fait souvent comprendre qu’elles sont tolérées. Leur parcours politique tient parfois de celui du combattant.  La faute en incombe notamment aux partis qui peinent encore à investir suffisamment de femmes. Certains – comme les LR ou le Nouveau Centre, avec moins d’un tiers de femmes dans leurs candidats – préfèrent payer des pénalités plutôt que de prendre le risque de perdre un mandat local. Mais les autres partis, s’ils sont meilleurs élèves – comme EELV ou le FN – sont parfois tentés d’envoyer leurs candidates féminines sur des territoires jugés imprenables…

Le sexisme toujours là

La politique reste un monde impitoyable et qui sent incontestablement la testostérone. Les normes masculines communément associées au pouvoir s’accommodent des tendances autoritaires, du recours à l’invective ou à la menace, d’un goût de la compétition et du conflit, de la capacité aux alliances comme aux trahisons, de la promotion par cooptation – le tout avec un minimum d’affects. Toutes choses que la plupart des candidates ou élues s’interdisent. Les femmes sont volontiers soupçonnées de sentimentalisme – une qualité qui serait incompatible avec l’exercice des plus hautes fonctions.

Pour être élue et respectée, il faudrait donc être « dure », voire masculine ? Se parer des atouts du mâle ? La manière dont les femmes politiques s’habillent en est une illustration intéressante. Il n’y a que la reine d’Angleterre et la dame de fer allemande pour revêtir des couleurs éclatantes et visibles à des kilomètres. Pour les autres, la réussite – et surtout le respect – passeront par de la discrétion et des couleurs sobres, cantonnées au noir, blanc, bleu marine ou beige, comme pour faire oublier ce qu’elles sont. On se rappelle les sifflets qu’a déclenché la petite robe imprimée de Cécile Duflot à l’Assemblée nationale – la même qui avait osé quelques mois plus tôt intégrer son ministère en jeans. Constatons que ça n’est que très récemment que l’on s’intéresse aux costumes de leurs homologues masculins… Tenue vestimentaire et coiffure sont épiées pour les ramener à ce qui serait l’apanage de leur condition de femmes : l’apparence physique – et avec elle, la séduction qui expliquerait « forcément » leur réussite ou l’investiture décrochée. Et là, on lâche facilement les chiens. Le sexisme en politique a encore de beaux jours devant lui. De Simone Veil insultée dans l’hémicycle, en passant par Edith Cresson qualifiée de « Pompadour », Ségolène Royal dont on se demande « qui va garder les enfants… » ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet privée de ministère car enceinte…

Le Tumblr « Et sinon, je fais de la politique » recense les photos des remarques machistes entendues par des femmes élues. Aussi savoureux que désespérant : « Barbie fait de la politique », « Vous partez ? Vos enfants vous attendent ? », « Votre discours était très technique pour une femme », « Soyez mignonnes, pas trop de bavardages »…

Pour réussir, les femmes reconnaissent devoir prouver davantage et se mettent elles-mêmes la barre relativement haute. Elles estiment que seuls leurs mérites peuvent justifier leurs responsabilités, là où la plupart de leurs homologues masculins sauteront sur la première opportunité venue. Ainsi, nombre de femmes impliquées en politique n’acceptent des postes que si elles se sentent capables de les assumer, si elles s’en sentent les compétences. Qui plus est, elles s’auto-censurent volontiers quant aux domaines dans lesquels elles s’investissent, privilégiant ou acceptant encore trop souvent des délégations en lien avec la famille, l’enfance, les personnes âgées, les affaires sociales, la santé… Une fois en poste, les femmes ont la réputation d’être des bosseuses et de faire de la politique autrement. Dans les assemblées devenues paritaires, les hommes reconnaissent que les débats sont moins agités, le respect plus présent et le travail plus efficace. Leur présence serait donc positivement contagieuse. Les femmes ne jouent pas facilement d’« effets de manche », préférant aborder les sujets de manière pragmatique et concrète. Plus à l’écoute, elles sont aussi plus proches de leurs administrés et électeurs.

Un électorat féminin pas forcément féministe

Pourtant, le fait d’être une femme n’est pas un atout électoral, y compris auprès des femmes elles-mêmes. Les électrices ne portent pas forcément une femme au pouvoir. Hilary Clinton l’a appris à ses dépens puisque le « macho » Donald Trump a été incontestablement plébiscité par l’électorat féminin américain. Jalousie ? Incompréhension ? Frédérique Matoti, auteur de l’ouvrage « Le genre présidente », y voit ce que Pierre Bourdieu nommait « la soumission enchantée ». Paradoxalement, les femmes adhèrent à un certain sexisme, à un discours qui les renvoie à une condition différente. C’est sans doute ce qui pousse aussi des militantes à soutenir celle qui défend le moins leurs droits. 45% des adhérents du Front national sont des femmes et Marine Le Pen est la candidate qui capte le plus l’électorat féminin, alors même qu’elle n’est pas féministe. Son discours s’est certes adouci, pour faire disparaître la notion « d’avortement de confort » et de déremboursement de l’IVG mais dans son programme les droits des femmes (limités à la lutte contre l’islamisme, l’égalité salariale et la lutte contre la précarité salariale et sociale) ne représentent qu’une proposition sur 144. Comment expliquer que des femmes incarnent volontiers ce glissement populiste ? Marlène Schiappa, chef d’entreprise et adjointe au maire du Mans observe : « Quand ça va très mal, on a besoin d’une maman. Les femmes sont souvent considérées comme les derniers recours, comme Theresa May en Angleterre. » 

Récemment, le collectif féministe « nous sommes 52 » a interpellé les candidats sur la place des femmes dans leur programme, en détournant leurs slogans de campagne (voir photo d’illustration). Il rappelle que les électrices sont une puissance économique et électorale : 85% des dépenses sont faites par les femmes, qui pèsent 52% du corps électoral. Une force dont elles se servent insuffisamment pour se faire entendre.

Après-guerre, les premières électrices avaient tendance à voter comme leurs époux. Puis leur vote s’est singularisé. Longtemps, le vote féminin a été différent du vote masculin : davantage abstentionniste et davantage orienté à droite. L’avenir nous dira si cette tendance se maintient.

Sources :

Sites internets : http://www.elueslocales.fr et
« En politique, les femmes sont considérées comme les derniers recours », le Point, 15 novembre 2016
« Marine Le Pen candidate des femmes : la grande imposture ? », ELLE, 16 mars 2017
Le genre présidente, Frédérique Matoti, Ed. de la Découverte
Tumblr : http://sinon-je-fais-de-la-politiq-blog.tumblr.com/

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