Étant président d’une association cultuelle, j’ai passé toute la fin de la semaine en contacts pour réorganiser notre activité, suite aux annonces successives des pouvoirs publics. Nous devions avoir notre assemblée générale dimanche. Entre jeudi et vendredi, nous avons décidé de l’annuler (même si nous sommes largement moins de 100 membres) afin de garder une valeur à la dimension collective de l’église : entre ceux qui pouvaient être contagieux et ceux qui sont des personnes à risque, il aurait manqué beaucoup de monde. Et samedi soir, à 20 heures, j’apprends que nous devons annuler le culte toutes affaires cessantes (encore une fois, nous sommes moins de 100 personnes au culte et le dimanche précédent nous avions respecté les gestes barrières). Le premier ministre fait la morale aux français, les exhorte à faire des efforts … et considère qu’il est trop tard pour annuler les élections. J’ai bien aimé la formule d’un élu : cela revient à dire « je ferme tout sauf mon bac à sable »

Étant titulaire de la procuration de quelqu’un, je me suis quand même senti obligé d’aller voter. Arrivé au bureau de vote, je découvre que le talon de la demande de procuration ne leur est pas parvenu (la présidente du bureau de vote se montre sceptique quand je lui signale que ce n’est pas la première fois que cela arrive). Le récépissé que j’exhibe ne les impressionne pas du tout : ils me demandent d’aller au tribunal. Le tribunal est sur mon chemin pour rentrer chez moi. J’y vais : ils me déclarent que la procuration a été établie au commissariat de police et qu’ils ne peuvent donc rien faire. Par un geste de folie (et ayant un peu de temps devant moi) je me rends au commissariat de Police. Là je tombe sur des fonctionnaires très dévoués qui essayent vraiment de régler mon problème. Ils retrouvent la demande de procuration. Le commissaire de police arrive et dit que normalement le bureau de vote les appelle pour vérification dans ce genre de cas (comme la vie pourrait être simple !). Mais puisque je suis là, ils prennent l’initiative d’appeler la mairie. Il leur faut pas moins de 4 coups de fil pour tomber sur quelqu’un qui leur suggère de m’envoyer au tribunal ! Un agent assermenté écrit sur mon récépissé qu’il a vérifié la validité de la procuration et donne un coup de tampon républicain. Je retourne au bureau de vote (près d’une heure s’est écoulée depuis mon premier passage). Une cheffe descend et me réexplique depuis le début tout ce que je sais depuis une heure. Faut-il le dire, on m’a d’abord demandé si la demande était récente, mais elle date du 21 février. On m’a demandé ensuite si j’étais dans le bon bureau de vote, mais le mandant figure bien sur la liste des électeurs de ce bureau. La cheffe en question n’admet pas que le tribunal m’ait envoyé sur les roses et me propose comme toute solution d’y retourner.

Dans ma naïveté, j’imaginais que ce genre de comportement administratif relevait d’une période révolue. Je rentre chez moi, frustré et furibard.

Mais il s’est quand même passé quelque chose

Quand j’entends, ensuite, le président Macron justifier le maintien des élections par l’exigence du maintien d’une vie démocratique, je ris jaune. Qu’est-ce qu’une démocratie quand tant de gens ne peuvent pas voter ou renoncent à le faire ? L’argument du gouvernement a été d’insister sur la possibilité d’établir des procurations (là je ne ris même plus). En quoi la démocratie aurait-elle été menacée, si on avait décalé les élections à un moment où la sérénité des électeurs leur aurait permis de se déterminer sans avoir l’esprit occupé par d’autres préoccupations ?

Mais finalement, au vu des résultats, je m’aperçois qu’il s’est quand même passé quelque chose (et qu’il est bien dommage, du coup, que cette tendance ne puisse pas être validée par un taux de participation moins famélique). D’abord, le manque d’implantation locale de LREM explose. Il faut ajouter à ce manque d’implantation que rien, dans la politique menée par le gouvernement depuis 2017, n’a concerné les enjeux qui font le cœur des scrutins municipaux. La dimension abstraite et technocratique des argumentaires de LREM, que j’ai régulièrement pointée du doigt dans ce blog, prédestinait ce mouvement à un échec complet aux municipales.

Dans beaucoup de communes, la population a donné quitus aux équipes en place, ce qui montre qu’elles ont fait le travail (cela vaut aussi pour les listes du Rassemblement National, quoi qu’on pense de leurs options).

Et, donc, la bonne nouvelle est la percée massive des listes écologistes dans les grandes villes. C’est une bonne nouvelle pour les villes en question, mais c’est surtout une bonne nouvelle pour le mouvement écologiste. Eric Piolle, qui s’est confronté à la gestion de la ville de Grenoble pendant 6 ans (et qui est en passe d’être reconduit) avait souligné, avant les élections, à quel point le mouvement écologiste devait apprendre à gouverner. Quand une minorité protestataire passe au moment de bascule où elle peut devenir une majorité (ou, au moins, une force politique importante), il faut qu’elle change de logiciel. Et cela n’a rien d’évident. Eh bien gageons que plusieurs équipes auront l’occasion d’apprendre sur le terrain, les contraintes et les joies de l’exercice des responsabilités.

Et, on l’imagine, j’ai beaucoup plus appétence pour une préoccupation pour la vie qui inclut une mobilisation du lien social et une recherche d’une vie en société de qualité construite sur le long terme, que pour un isolement organisé en catastrophe. Je ne nie pas la nécessité d’une stratégie de court terme face à une épidémie. Mais il serait peut-être temps de se préoccuper des, environ, un million de morts prématurées engendrées par la pollution atmosphérique en Chine, chaque année, 85.000 en Italie et 50.000 en France. Et encore, tout cela n’est qu’une partie du problème. Que penser de la qualité de vie médiocre de tant de personnes dans des pays comme les nôtres qui ont pourtant tant de moyens ?