Parmi les déchets qui remplissent nos poubelles, la nourriture est sans doute le plus choquant – et encore plus dans une période où certains manquent de l’essentiel. Pourtant, nous pouvons faire autrement, et il existe bien des manières de réussir à consommer plus juste, donc plus écologique et aussi plus économique.

Pendant le confinement, les associations de solidarité n’ont pas chômé, et encore moins celles qui proposent une aide alimentaire. La crise a révélé encore plus durement les difficultés pour les ménages les plus pauvres à se nourrir. Enfants privés de cantine, parents en activité – et revenus – réduits… c’est bien la faim qui les a poussés dans les files d’attente des associations de quartier. Dans ce contexte, imaginer qu’à l’inverse on puisse jeter de la nourriture est parfaitement révoltant. Arash Derambarsh, auteur d’un « Manifeste contre le gaspillage alimentaire » (Fayard, 2015), rappelle qu’en France, environ 10 millions de personnes n’ont plus rien sur leur compte le 10 du mois. Hélas, le constat ne date pas d’hier. En vingt ans, nous avons doublé le poids de nos déchets… alors même que la pauvreté augmente. Si nous voulons un « monde nouveau », il nous appartient d’y contribuer, par exemple en devenant un consommateur frugal.

Gaspillage : les chiffres de la honte

En France, la responsabilité des aliment jetés chaque jour pèse sur les quatre principaux acteurs de la chaîne de l’alimentaire : depuis les producteurs (qui éliminent un tiers de ce qu’ils produisent, essentiellement pour des raisons esthétiques), en passant par les transformateurs (21%), la distribution (14%) et le consommateur final pour un tiers également.

Chaque consommateur français jette environ 30 kilos de nourriture par an et par personne (dont 7 kilos encore emballés), soit l’équivalent d’un repas complet par semaine, ce qui représente un budget par individu d’environ 108 euros sur l’année.
Jusqu’à il y a peu, les supermarchés éliminaient environ 50 kilos d’invendus périssables chaque jour. Au total, sur l’ensemble de la chaîne de production, cela représente 155 kilos par habitant, soit 10 millions de tonnes de nourriture gaspillée, pour un montant de 16 milliards d’euros.
Ramenés à la population mondiale, ces chiffres donnent le vertige (ou plutôt la nausée) : 1,6 milliards de tonnes d’aliments sont jetés chaque année, soit le tiers des aliments produits sur la planète ! Un gâchis moralement inacceptable et écologiquement irresponsable.

Depuis une loi de février 2016, les supermarchés de plus de 400 m² ont désormais l’obligation de distribuer leurs invendus périssables à des associations d’aide alimentaire. En parallèle, ils ont l’interdiction de rendre la nourriture jetée impropre à la consommation, sous peine d’amende. Une mesure sociale et éthique qui a contribué, sous la pression populaire, à faire changer les choses : les dons alimentaires ont fait un bond de plus de 20%.

Mais si nous ne voulons pas participer à ce gaspillage domestique, par inadvertance ou négligence, il appartient à chacun d’adopter de nouveaux comportements. Le changement, ça commence dans nos foyers.

Les 10 habitudes du consommateur frugal

1 – On prépare à l’avance les menus de la semaine, et on établit sa liste de courses en fonction de ce qui reste et de ce qui pourrait manquer.
2 – On fait une liste, et on s’y tient !
3 – On évite de faire ses courses le ventre vide, pour ne pas être tenté inutilement, et on se détourne des promotions – qui n’en sont pas toujours et qui incitent à stocker.
4 – On achète en juste quantité, et on sourit aux fruits et légumes « moches » (ceux qui ne sont écartés que pour des raisons esthétiques, et qui sont souvent moins chers).
5 – On surveille les dates de péremption mais sans être trop strict non plus (le blog a déjà consacré un article aux dates de péremption).
6 – On gère son frigo : bien rangé, pour tout voir, les aliments à consommer en premier sont placés pour être visibles, et le frigo est bien propre, pour éviter que des bactéries n’accélèrent la dégradation des produits frais.
7 – On cuisine frais, et si possible maison (et idéalement des produits locaux, en circuit court) : c’est moins d’emballages et moins de déchets. Par ailleurs, c’est meilleur au goût, meilleur pour la santé et moins cher !
8 – On apprend à cuisiner les restes…et même les épluchures. On ne jette pas le surplus, on le congèle. On composte tous les autres déchets organiques impropres à la consommation.
9 – On donne ce que l’on a en trop, ou on le cuisine pour une association qui porte des repas aux SDF.
10 – Au restaurant, on n’hésite pas à demander un « doggy-bag » et on emporte ce qu’on n’a pas consommé sur l’instant (car quoi qu’il en soit, le restaurateur devra jeter ce qu’on laisse).

Les applis et sites qui aident à consommer malin et solidaire

– Zéro gâchis géolocalise les supermarchés qui proposent des rabais sur des produits en limite de péremption.
– Too good to go et Optimiam proposent aux consommateurs qui ont un petit budget de récupérer, généralement en fin de journée, des repas à moindre coût chez les commerçants ou restaurateurs.
– Frigo magic est une appli qui propose des idées de recettes en fonction de ce que vous avez dans votre frigo.
– Save Eat et Check food vous aident à gérer votre placard ou vos denrées périssables, en vous alertant en fonction des dates de péremption ou en suggérant des recettes pour cuisiner les restes. Check food vous permet également de donner ce que vous n’allez pas consommer (par exemple, si vous partez en week-end ou en vacances et qu’il reste des denrées consommables dans votre frigo).
– #PourEux a été créé pendant le confinement. Cette belle chaîne de solidarité 100% citoyenne réunit des cuisiniers bénévoles, qui préparent un repas complet pour une personne, à leur domicile, et des coursiers tout aussi bénévoles qui les distribuent à des sans-abris.

On va plus loin, mardi 9 juin sur Fréquence protestante
On se retrouve mardi 9 juin de 18h à 18h30 sur l’antenne de Fréquence protestante (100.7 FM et web). Dans Inspirations Positives, je recevrai Arash Derambarsh. Avocat, il est surtout un militant infatigable de la lutte contre le gaspillage alimentaire. La pétition qu’il a initiée en 2015 a fortement pesé sur la loi adoptée en France. Il nous parlera de ce combat qu’il porte à présent au niveau européen, afin qu’une directive soit adoptée dans le même sens.