Sujet de passion depuis plus de quarante ans, l’Islam est encore aujourd’hui mal connu de nos concitoyens. Non seulement de ceux qui ne sont pas musulmans, mais aussi de ceux qui se rattachent à cette famille spirituelle. Au lendemain des déclarations présidentielles, il nous a semblé judicieux d’attirer l’attention sur deux propositions formulées par Emmanuel Macron : le soutien à la Fondation de l’Islam de France et la formation des imams.

Soutenir la Fondation de l’Islam de France

« Il faut sortir l’Islam des griffes de ceux qui en font une idéologie au service de la violence, rappelle avec détermination Philippe Gaudin, directeur de l’Institut Européen en Sciences des Religions. Ce que j’ai entendu vendredi concernant la connaissance de l’Islam va dans un sens que je ne peux qu’approuver. Reconnaître l’intérêt et la qualité du travail de la Fondation de l’Islam de France est essentiel. Cette instance, on ne le sait pas assez, a créé un campus numérique dont le but est de faire connaître des documents de qualité académique et néanmoins pédagogiques. Une telle démarche constitue sans doute l’un des meilleurs instruments possibles contre les sites qui diffusent une idéologie politique islamiste. Or, faute de financement, cette création de service publique était menacée dans son existence même. Grâce aux dix millions d’euros que le chef de l’État veut lui verser, nous pouvons penser qu’elle sera non seulement préservée, mais capable de disposer de salariés capables de la renforcer. »

Dans un même élan, le président de la République a souhaité faire émerger un Islam de France indépendant des puissances étrangères. « Vieux serpent de mer », diront les grincheux. Sans doute les questions géopolitiques ont-elles ralenti le mouvement qu’avait amorcé il y a plus de vingt ans, Jean-Pierre Chevènement.

Quelle formation pour les imams ?

La fin du système dit des « imams détachés » s’accompagnera de la mise en place, dans notre pays, d’une formation des cadres religieux musulmans qui sera compatible avec les principes de notre République. « En soutenant l’autonomie de l’Islam de France par rapport aux États étrangers, le Président ne souhaite pas seulement empêcher la venue chez nous d’imams dépendants d’une idéologie conforme à leur pays d’origine, observe Philippe Gaudin. Il nourrit l’ambition de combler l’écart entre un Islam confessant, vécu au quotidien, et la recherche contemporaine dans le domaine islamique. A la semblance des autres religions, l’Islam varie beaucoup dans l’espace et le temps. Cette évolution, cette complexité, ne doivent pas nous détourner de l’Étude. Au contraire, elles doivent stimuler notre soif de connaissance et de réflexion : théologie, philosophie, droit, exégèse coranique, tout cela sera mis au service de tous nos concitoyens, pas seulement ceux qui sont musulmans. C’est un enjeu de civilisation. Alors, oui, plutôt que se perdre en conjecture au sujet des intentions cachées, des arrières pensées réelles ou supposées du Président, mettons-nous au travail ! »

La question se pose de savoir quelles structures prendront en charge la formation des cadres musulmans et assumeront les programmes académiques ouverts au public. Emmanuel Macron a évoqué le renforcement des cursus universitaires. Il est possible que l’École Pratique des Hautes Études y tienne une part importante. « Elle en a toute la légitimité parce que c’est en son sein qu’a été créée la Ve section des sciences religieuses, voici presque 140 ans, souligne encore Philippe Gaudin. Les grandes figures des études islamiques y ont travaillé – je pense en particulier à Louis Massignon, à Henry Corbin (ce dernier étant protestant). Certains des auteurs du « Coran des historiens », paru récemment aux éditions du Cerf, y exercent leur talent de nos jours. » La longue tradition d’études sereines et sérieuses de cette institution républicaine plaide en sa faveur.

On ne pariera pas sur les chances de succès du plan présenté par Emmanuel Macron– nul protestant n’a jamais pris la boule de cristal pour une boussole, ou pratiqué ce que Stendhal appelle, dans La Chartreuse de Parme, la science des présages. Mais  on est en droit d’espérer, que l’on soutienne ou non la politique générale conduite par le chef de l’État, que les propositions formulées vendredi 2 octobre fassent enfin bouger les lignes.