La tragédie de l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire et géographie du Collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, le 16 octobre 2020, a réactivé le mal-être des enseignants. Comment poursuivre ce métier sous la menace d’une idéologie obscurantiste ? Comment enseigner la liberté d’expression, fondement même de l’enseignement ? Le projet de modification de la Loi de 1905 codifiant la laïcité, qui voudrait corriger les séparatismes, n’a pas été diffusé pour examen à la date prévue (15 octobre). Ce délai supplémentaire pourrait se traduire par un durcissement de certaines dispositions. Vu l’importance du texte annoncé tant qualitativement que quantitativement, Jean-Daniel Roque, ancien professeur et proviseur de lycée mais aussi spécialiste pour l’Église des questions juridiques, en fera une analyse dans un prochain numéro de la revue.

Déjà avant l’indignation et la tristesse de la communauté éducative, durement affectée par cette manifestation de haine et de violence à l’encontre d’un défenseur de la liberté d’expression, la dévalorisation du métier d’enseignant avait abouti à la progression du nombre des démissions d’enseignants des premiers et seconds degrés. Les témoignages abondent : souffrance au travail, classe d’élèves remuants, absence de reconnaissance sociale, manque de moyens, angoisse de devoir faire face à des parents prompts à porter plainte.

L’âge d’or où l’enseignant était quelqu’un de bien considéré semble loin. Le métier est difficile à faire comprendre… et qui ne l’a pas fait en ignorera toujours la charge. Lorsqu’on le choisit, on pense que le futur travail sera utile et rempli de satisfactions, on n’anticipe pas la réalité qui s’avère souvent éloignée de celle qu’on imaginait, de celle du terrain.

Quoi qu’il en soit, nos enseignants ont du talent et il faut reconnaître mieux leur rôle primordial au sein de notre République ! C’est sûr, nous leur devons beaucoup et nous leur exprimons ici notre profonde reconnaissance ! À l’instar de la lettre d’Albert Camus, lue lors de l’hommage rendu à Samuel Paty dans la cour de la Sorbonne, nos dirigeants promettent aussi de le faire concrètement.

Au-delà des enseignants, nous constatons la recrudescence ces dernières années des menaces en ligne. Sur les réseaux sociaux, les insultes fusent visant les agents de la fonction publique. Des chiffres datant de 2016-2017, évaluent à 6 000 le nombre d’agents dépositaires de l’autorité publique (policiers, magistrats) menacés chaque année, autant que le nombre d ’agents non-dépositaires de l’autorité publique : les métiers de guichet, ceux qui reçoivent du public mais aussi avec les enseignants, tous les métiers de l’hôpital font partie des catégories les plus menacées qui doivent être mises en sécurité.

Tout aussi grave, la minimisation des faits qui sont transmis à la hiérarchie. La réponse plusieurs fois constatée : surtout « pas de vague », doit être condamnée. La hiérarchie a l’obligation d’accompagner les agents, de porter plainte avec eux, de signaler au procureur ou à la plateforme « Pharos » les menaces.

Le texte de 1883 sur la protection des agents de la fonction publique est obsolète. Un nouveau texte est en préparation pour les défendre. À suivre donc.