Longtemps perçus comme engagés à gauche, les protestants votent aujourd’hui comme la plupart des Français. Mais du fait de la révocation de l’édit de Nantes, ils ont connu les persécutions. Cette épreuve a profondément marqué leur mentalité collective. Elle influe toujours sur leurs choix politiques.

Le goût de la liberté

La première grande figure de l’histoire politique protestante est Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne (1743-1793). Pasteur nîmois, c’est lui qui a négocié avec Lafayette et Malesherbes la réintégration des protestants au sein du royaume. Il a rédigé le mémoire qui a servi de base à l’élaboration de l’édit de tolérance (19 novembre 1787). Élu député du tiers état, Rabaut Saint-Étienne a prêté le serment du Jeu de paume. Il  est représenté aux côtés de l’abbé Grégoire (1750-1831) et du père Dom Gerle (1736-1801) sur le tableau de David qui commémore l’événement. Président de l’Assemblée constituante puis de la Convention, il a voté la culpabilité du roi, mais proposé son incarcération plutôt que sa mort. Il fut guillotiné le 5 décembre 1793.

La variété des engagements

Ce parcours, ajouté au fait que François-Antoine Boissy d’Anglas (1756-1826) et Pierre-Joseph Cambon (1756-1820) ont joué un rôle dans la chute de Robespierre (1758-1794), pourrait faire croire que les protestants ont tous choisi le camp de la modération politique pendant la Révolution. « Ce n’est pas le cas, souligne Céline Borello, professeure en histoire moderne à l’université du Mans. L’ancien pasteur de Montauban et de Castres, André Jeanbon Saint-André [1749-1813], a fait partie du comité de Salut public, tout en contribuant à l’organisation d’un État autoritaire. » Et que dire de Jean-Paul Marat (1743-17993)? Fils d’une calviniste et d’un ancien capucin converti au protestantisme, il incarne, au contraire, la radicalité révolutionnaire. Il n’empêche que les partisans de la Réforme ont, dans leur immense majorité, détesté la Terreur.

Le temps de la consolidation

Les protestants ont globalement soutenu le Consulat et l’Empire. Certes, le Concordat donnait au catholicisme une primauté. Il était reconnu comme la religion de la majorité des Français. Mais les protestants (et les juifs) ont obtenu la consolidation des droits acquis depuis 1787 et […]