Couple à la scène comme à la ville, ils sont complémentaires. Claire est titulaire d’un doctorat en arts du spectacle qui l’a amenée à entreprendre une année de recherche à Berlin. Baptiste est journaliste reporter d’images, après avoir passé trois ans en classe préparatoire pour intégrer l’École normale supérieure et un Master en littérature comparée à l’Université de Strasbourg. Tous deux sont portés par la rencontre avec les témoins des guerres, des minorités ou encore des exclus de la société qu’ils partagent au travers d’œuvres documentaires ou poétiques.

Le théâtre en milieu concentrationnaire

Leur premier intérêt s’est tourné vers la Première Guerre mondiale après que Claire a découvert, dans la maison familiale, des documents ayant appartenu à son arrière-grand-père, et particulièrement le programme d’une soirée festive organisée dans les tranchées. « Une pièce de théâtre avait été organisée. Cela a changé ma vision du conflit car je n’avais jamais pensé que des moments de fraternité aient pu exister au front. On a souvent entendu parler de soldats qui dessinaient ou composaient de la musique mais jamais de la dimension collective et fraternelle que revêt le théâtre. Puis j’ai rencontré de nombreux survivants, aussi de la Seconde Guerre mondiale, et j’ai compris comment la création artistique pouvait aider dans ces moments extrêmes, où la foi en l’humain ou en Dieu étaient ébranlées. Ces choses-là ne se disaient pas trop car on avait peur de minimiser la situation. »

De son côté, Baptiste s’est toujours intéressé à la déportation et à la résistance, qui sont selon lui, des mouvements « fondateurs de l’Europe » et ce, notamment, grâce à l’histoire atypique de son grand-père. « Il a pris le maquis en Isère puis s’est installé en tant que colon au Congo et enfin a été nommé maire de Bône, une ville d’Algérie (aujourd’hui Annaba). »

L’une de leurs dernières recherches les a menés jusqu’à Hanuš Hachenburg, un jeune juif de 13 ans, auteur d’une pièce de théâtre pour marionnettes intitulée On a besoin d’un fantôme. Écrite clandestinement alors qu’il était interné dans le ghetto de Terezin (République tchèque), cette pièce tourne en absurde le système concentrationnaire et  dénonce avec un humour féroce les tortionnaires.  L’adolescent sera assassiné à Birkenau en 1944. De ce texte et de cet auteur qu’ils ont « ressuscité » (il a reçu à titre posthume le prix d’humour de résistance 2017), ils ont tiré, comme pour presque chaque rencontre et découverte, une matière qu’ils font vivre à travers différentes formes d’expression, toujours dans le souci de la véracité des faits et le soin de transmettre.