Les unes provoquent les autres, assurément, mais il vaut mieux observer les choses différemment. C’est ce que fait l’équipe du rapport sur les inégalités mondiales et je trouve leurs résultats suggestifs.

Au niveau mondial, l’évolution des inégalités de revenu est contrastée. On peut résumer le constat d’une formule : diminution des inégalités entre pays, augmentation des inégalités dans chaque pays. Les pays émergents comme l’Inde ou la Chine ont provoqué une élévation du niveau de vie considérable de populations auparavant plutôt pauvres. Et les politiques de réduction de l’extrême pauvreté ont également porté leurs fruits. Du coup, si on observe l’évolution au niveau mondial, entre 1980 et 2016 voilà ce que l’on observe :

    Extrait du rapport sur les inégalités mondiales 2018

 

On portera attention aux précautions méthodologiques affichées sous le graphique (les chiffres sont hors inflation et tiennent compte du coût de la vie locale).

On peut avoir une vision optimiste de cette fameuse courbe dite « de l’éléphant », en disant que personne n’a perdu. Mais on voit bien qu’une partie importante des personnes de revenus moyens sont dans une situation relative délicate. Ils sont à la fois distancés par les très riches et progressivement rattrapés par de plus pauvres qu’eux.

De quelque côté que l’on se tourne on voit d’ailleurs que ces groupes sociaux ne peuvent qu’être sur la défensive. Les emplois que l’évolution technique fait disparaître, aujourd’hui, sont ceux d’employés (du fait de la bureautique et de l’informatisation des tâches de bureau) et d’ouvriers qualifiés (et on pense que l’évolution technique a des effets plus forts que les délocalisations). Pendant ce temps, des emplois faiblement qualifiés se maintiennent.

Au bout du compte, où retrouve-t-on ces groupes sociaux qui font face à un déclassement ? Dans la rue, dans les mouvements dégagistes, dans tout ce qui ressemble à de « l’anti ». L’évolution spontanée de l’économie ne leur promet aucune amélioration.

Tout cela devrait nous conduire à penser autrement la solidarité. On la conçoit d’abord comme une solidarité financière à l’égard des plus pauvres et c’est bien. On a raison, également, de protester face à l’enrichissement des plus riches que rien ne justifie (il faut oublier l’idée foireuse du ruissellement). Mais il y a, pour le cas des classes moyennes inférieures, quelque chose de plus complexe. La formation continue est utile, mais ne règlera pas tout.

Si on pense à une économie verte, moins intensive en consommation de ressources, moins dépendante de machines énergivores, on dégagera sans doute des gisements d’emploi dans ces niveaux de qualification. C’est juste une piste. En revanche, il est certain que le tropisme actuel qui consiste à vouloir toujours plus de technologie face à n’importe quel problème accentuera les tensions sociales que nous connaissons d’ores et déjà. Car l’effet induit des transformations technologiques, aujourd’hui, est de favoriser les hauts niveaux de qualification (pour la conception et la mise en œuvre de ces dispositifs) et d’écrémer les qualifications moyennes.

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