Et aussi de découvrir que le tourisme prend parfois des formes nouvelles et insolites…

En été, la majorité des Français part en France et au bord de la mer. Ils sont les champions de la location saisonnière, de l’hébergement gratuit et des résidences secondaires. Pour cette tendance lourde du voyage, le sociologue Jean Viard1 parle de « rituel de transhumance de tribus », familiales ou amicales. L’envie de se dépayser et de rencontrer de nouvelles personnes est marginale. « L’été sert aux vacances thérapeutiques qui privilégient le lien. On n’est pas dans la logique exotique de découverte de l’autre mais dans le repli sur les siens. C’est le temps de l’ouverture aux siens dans nos sociétés contraintes », développe l’anthropologue Jean-Didier Urbain1.

Six Français sur dix se disent prêts à rogner sur leurs dépenses pour partir en vacances, plus encore parmi les jeunes. « Nous sommes passés d’une société fatiguée à une société stressée», ajoute Jean Viard. Les vacances ne visent plus le repos. On va chercher à déconnecter et à se déstresser. »  Finie l’époque des longues vacances estivales : « Les vacances sont plus courtes et plus étalées dans l’année », complète Jean-Didier Urbain.

Quant au touriste voyageur, distinct du vacancier en villégiature, « il n’est pas la vedette de l’été », insiste Jean-Didier Urbain. Les Français qui s’aventurent hors de l’Hexagone restent quatre fois sur cinq en Europe. Leurs destinations phares sont l’Espagne et l’Italie. Mais ces pays frôlent aujourd’hui la saturation et perdent des adeptes.  « Venise, Amsterdam, Barcelone… Certains lieux deviennent infréquentables par l’abus de développement du tourisme, observe Jean-Didier Urbain. Certaines zones deviennent même hostiles aux touristes. »

Sauver le touriste

« Ce n’est pas le touriste qui ravage tout, c’est l’industrie du tourisme », défend l’anthropologue. « Le touriste est perfectible. Mais l’expérience de la rencontre avec l’autre ne se vit que sur place. C’est aussi accéder à l’émotion qu’on est l’autre de l’autre. »

L’anthropologue craint une récupération marchande des pratiques de tourisme responsable, encensées aujourd’hui. « Mais le touriste a gagné en intelligence. Le tourisme de court séjour s’organise de plus en plus sans passer par des agences. La tendance à l’auto-construction de son voyage à travers Internet et des associations laisse espérer un tourisme émancipé de l’industrie du tourisme et qui profitera à l’hôte. »  Voir une ville la nuit, à la morte saison, à aller à rebours des pratiques… Pour sauver le touriste, Jean-Didier Urbain invite aux « stratégies d’évitement et d’interstices, accessibles à tous. »

Selon lui, la découverte a peu de place chez le voyageur d’aujourd’hui : « La tendance forte au tourisme écolo, par exemple, est moins tournée vers la rencontre de l’autre que vers la nature et le désir de désert. Le voyage sert moins à découvrir le monde qu’à oublier les Hommes.» Au sens plus large, le voyage sert aujourd’hui selon lui « à sortir de sa coquille pour se ressaisir soi et devient donc une quête très spirituelle. » Les pèlerins sont d’ailleurs 10 % de plus chaque année à emprunter les chemins de Compostelle.