Une église instrumentalisée par le pouvoir
Jean-François Colosimo, historien et théologien, expose dans cette vidéo l’implication de l’église orthodoxe russe dans le soutien au régime de Vladimir Poutine. Selon lui, la dimension religieuse du conflit en Ukraine est cruciale, car l’église orthodoxe russe, sous la direction du patriarche Cyrille, joue un rôle central dans la justification idéologique des actions de Poutine. Depuis la fin du communisme, l’église et le KGB sont les deux institutions qui ont survécu et ont continué à exercer une influence significative en Russie.
L’église russe a connu des persécutions intenses entre 1917 et 1991, mais a été convoquée par Staline en 1941 pour aider à résister à l’envahisseur nazi. En échange, l’église a bénéficié de la restauration du patriarcat et de certains privilèges, devenant ainsi une vitrine du régime soviétique. Cette alliance s’est poursuivie sous les différents régimes, y compris celui de Khrouchtchev, et a permis à l’église de maintenir une certaine existence officielle malgré les persécutions.
L’ascension de Cyrille et son alliance avec Vladimir Poutine
Cyrille, de son nom de naissance Vladimir Mikhailovich Gundyayev, a pris la tête du département des affaires étrangères de l’Église en 1989, avant de devenir patriarche en 2009. Son ascension s’est faite en grande partie grâce à son habileté à naviguer entre les intérêts de l’Église et ceux de l’État. Jean-François Colosimo décrit Cyrille comme un personnage parfaitement rodé à l’alliance entre l’Église et le KGB, ayant scellé un pacte faustien avec Vladimir Poutine.
Sous la direction de Cyrille, l’Église orthodoxe a bénéficié de la construction de nouvelles églises et monastères, et Cyrille lui-même a été célébré comme un ministre des affaires religieuses par Poutine. En retour, l’Église soutient fermement le régime de Vladimir Poutine, partageant sa vision d’un « monde russe » unifié qui inclut non seulement la Russie, mais aussi l’Ukraine, la Biélorussie et d’autres territoires de l’ex-Union soviétique.
La justification idéologique et les conséquences tragiques
La justification idéologique du projet impérialiste de Vladimir Poutine par l’église est au cœur du discours de Jean-François Colosimo. Le patriarche Cyrille aurait eu le choix de rebâtir une Église sur des bases progressistes et humanistes, mais a préféré enterrer les crimes passés pour soutenir les nouveaux crimes de Poutine. La répression des dissidents, l’assassinat de journalistes et la restriction des libertés de presse sont autant de violations des droits humains qui trouvent un écho sinistre dans l’histoire de la Russie soviétique.
Jean-François Colosimo critique sévèrement le patriarche Cyrille pour son rôle de complice silencieux dans ces atrocités. Il décrit comment Cyrille a utilisé son influence pour étouffer les critiques internes et externes, tout en promouvant une rhétorique anti-occidentale qui aligne l’Église avec les objectifs politiques de Poutine. Cette alliance a des conséquences tragiques, comme en témoigne le conflit actuel en Ukraine, où des milliers de civils souffrent sous les bombardements et les attaques militaires.
Coproduction : Fondation Bersier – Regards protestants / Réforme – reforme.net
Entretien mené par : Jean-Luc Mouton
Réalisation : Anne-Valérie Gaillard