19.09.2021 : Marc 9.30-37 – Deuxième annonce de la passion
Le contre-pied de la croix
Introduction
Ce récit se situe à la fin du ministère de Jésus en Galilée, au chapitre suivant, il commencera sa montée à Jérusalem où il sera crucifié. Il prépare progressivement ses disciples à cette échéance en multipliant les annonces de la passion. Dimanche dernier, nous avons médité la première annonce de la passion qui s’est soldée par le refus de Pierre. Ici, la réaction des disciples va montrer qu’ils n’ont toujours pas saisi toutes les conséquences de la théologie de la croix.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
Titre : La maison
Jésus interroge ses disciples lorsqu’il fut à la maison. Avec ses disciples il a eu un ministère itinérant, mais dans l’évangile de Marc, la maison est évoquée à plusieurs reprises comme point fixe. Il s’agit probablement de la maison de Pierre à Capharnaüm.
Jésus profite de cette pause pour faire le bilan de la journée avec ses disciples et les interroger sur leurs débats.
Titre : L’enfant
Il prit un enfant, dans le monde antique, l’enfant représentait ce qui est petit, sans importance, sans valeur. Le mot paidion est le diminutif de pais qui signifie aussi esclave. On peut presque traduire petit esclave. Jésus appelle à prêter attention à ce qui est petit.
Pistes d’actualisation
1er thème : Le contre-pied
Aux disciples qui se demandent qui est le plus grand, Jésus leur donne comme modèle le plus petit. Il pratique la technique du contre-pied qui est plus qu’un moyen de communication, mais qui est ici une affirmation théologique.
La théologie de la croix dit que c’est par sa faiblesse que Jésus est vainqueur et qu’il dévoile les dominations, c’est par son abaissement qu’il est glorifié. Il en fera un principe en disant que c’est le plus petit qui est le plus grand, le plus serviteur qui est le plus fidèle.
2e thème : Sens de l’enfant : les trois métamorphoses
Quand il nous demande d’accueillir Jésus comme un enfant, il ne nous propose par de régresser à l’état enfantin mais à accéder à l’esprit d’enfance.
Dans son livre Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche parlait du cheminement spirituel en disant : « Je vais vous énoncer trois métamorphoses de l’esprit : comment l’enfant devient chameau, comment le chameau devient lion et comment enfin le lion devient enfant. » Le chameau accumule les savoirs sur Dieu, le lion est le symbole du disciple combattant, mais Jésus ajoute : il vous faut encore devenir enfant. L’enfant est celui qui est dépendant, qui garde les mains ouvertes car il sait que tout vient de Dieu.
Les disciples se demandent qui est le plus grand, Jésus leur répond d’être le plus enfant.
3e thème : Prendre soin de l’enfant qui est en soi
Cet appel à accueillir la foi comme un enfant nous invite à la simplicité. Un maître hassidique s’appelait Rabbi Zoussia. Au soir de sa vie, on lui prête la réflexion suivante : « Quand je me présenterai devant le tribunal céleste, on me demandera si j’ai été juste, je dirai : Non. On voudra ensuite savoir si j’ai été charitable, je dirai : Non. Ai-je consacré ma vie à l’étude ? Non. À la prière peut-être ? Pas plus. Alors le juge suprême me dira en souriant : Tu dis la vérité. Grâce à cette seule vérité, tu auras ta part dans le monde à venir. » Seul un saint ou en enfant pourrait dire la même chose. Dans sa vie, Zoussia a été un maître, c’est-à-dire qu’il a été chameau, il est devenu lion ; et voilà qu’au soir de son existence, il a totalement retrouvé la simplicité de l’enfant. Il est devenu lui-même, il a cessé de s’inquiéter de son image pour être en totale vérité devient Dieu et devant les hommes.
Une illustration
Le fondateur du hassidisme moderne dans le judaïsme est le Baal Shem Tov. Il a fait une comparaison sur la question de savoir qui est le plus grand : « Nous ressemblons tous aux étoiles. D’ici, étant données les distances, certaines nous paraissent petites et d’autres grandes, mais au ciel la petite étoile est peut-être grande en vérité, et la grande, petite. Il en va de même des hommes, ceux qui ici-bas semblent insignifiants sont ceux qui là-haut diffusent la plus vive lumière. » En disant cela, je pense à des visages que j’ai croisés dans mon ministère qui sont pour moi des exemples de foi et de dévouement, mais qui restent tout petits aux yeux des hommes.
Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Laurence Belling, protestante réformée, chargée de la catéchèse des jeunes dans son église, pour discuter de Marc 9, 30-37 : https://campusprotestant.com/video/jesus-annonce-sa-mort-et-sa-resurrection/
Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis