L’évangile de Luc du 2 mars (Luc 6. 39-45)

Christine Pedotti, rédactrice en chef du journal Témoignage chrétien et Antoine Nouis, théologien protestant échangent, cette semaine, autour de l’Évangile de Luc au chapitre 6 versets 39 à 45. Un passage biblique qui présente trois paraboles clés qui mettent l’accent sur la conscience de soi, l’intégrité et l’importance de porter des fruits spirituels authentiques.

La première parabole aborde la question d’un aveugle qui en guide un autre. Elle souligne l’absurdité d’un guide non qualifié et suggère que ceux qui ne peuvent pas voir leurs propres défauts ne devraient pas essayer de guider les autres. Il s’agit d’un message de mise en garde à l’intention des disciples, les incitant à prendre conscience de leurs propres défauts avant d’essayer de guider les autres.

La deuxième parabole est celle de la paille et la poutre. Dans cette histoire Jésus critique l’hypocrisie de ceux qui jugent les défauts mineurs des autres tout en ignorant leurs propres faiblesses. Il les invite à d’abord se concentrer sur leurs propres défauts avant de critiquer autrui, soulignant l’importance de l’introspection et de l’humilité.

La troisième parabole et dernière parabole, qui porte sur les fruits des arbres, avertit que les bons arbres portent de bons fruits, tandis que les mauvais arbres portent de mauvais fruits. Elle enseigne que la véritable santé spirituelle se révèle par les actes, et non par les apparences. Dans un contexte religieux, cette métaphore rappelle que les succès extérieurs, tel que le grand nombre de conversions, n’indiquent pas nécessairement l’authenticité ou les bonnes intentions d’une communauté et la justesse de ses enseignements.

Ces paraboles encouragent l’examen de conscience des individus et des communautés religieuses. Elles mettent en garde contre l’hypocrisie et soulignent l’importance de cultiver de bons fruits spirituels.

La mise en pratique de l’Évangile

Introduction

Cette séquence prolonge le passage que nous avons médité la semaine dernière qui insistait sur l’amour des ennemis et l’éthique de la non-violence.

Devant cette exigence, on peut être tenté de considérer que les recommandations de l’Évangile ne sont pas pour nous et qu’elles relèvent de l’utopie. Pour contrer cette dérive, les versets que nous lisons insistent sur la mise en pratique des enseignements de Jésus.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Les paraboles

Ces quelques versets présentent trois paraboles : l’aveugle qui conduit un aveugle, l’arbre et ses fruits, la paille et la poutre. Cela nous donne l’occasion de nous arrêter sur ce mode de communication que Jésus utilise de façon prioritaire et même systématique si on entend le verset qui dit qu’il ne disait rien sans paraboles (Mt 13.34).

Le propre du langage parabolique est qu’il ne repose pas sur des impératifs, mais il laisse à chacun le soin de l’interpréter dans sa propre situation. Il ne commande pas mais invite à se poser des questions : Quel est mon regard ? Quels sont mes fruits ? Où en suis-je par rapport au jugement de mon prochain ?

Devenir comme Jésus

Tout disciple bien formé sera comme son maître. En disant cela à ses disciples, Jésus les invite à devenir comme lui. Devenir comme Jésus, cela ne signifie pas de l’imiter de façon servile, mais de cultiver ce qu’il nous a transmis par son exemple. Dans les évangiles, il a cultivé les relations avec son Père pour vivre une vie que je qualifierai par trois mots : la liberté, le courage et l’amour. Il a fait preuve de liberté par rapport aux religieux de son époque, il a fait preuve de courage pour vivre sa liberté jusqu’au bout en transigeant jamais avec la vérité et il a fait preuve d’amour en mettant toujours le prochain et particulièrement le petit à la première place.

Pistes d’actualisation

1er thème : Parabole des deux aveugles 

Un aveugle peut-il guider un aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous deux dans une fosse ? Ce qui est la parabole la plus courte de l’évangile, deux phrases. Elle s’adresse particulièrement aux apôtres. Jésus leur rappelle qu’ils ne pourront éclairer personne s’ils ne commencent pas par être lumineux eux-mêmes.

De nos jours, elle concerne particulièrement les responsables religieux, les prédicateurs et les enseignants. Sans vouloir en faire des modèles impeccables en toutes choses, ils ne pourront conduire leur troupeau que s’ils vivent quelque chose de l’Évangile.

Pour ne pas être un aveugle soi-même, le contexte du sermon dans la plaine propose un programme : Être capable de non-violence, ne pas juger son prochain, vivre l’Évangile, être généreux.

2e thème : Parabole de la paille et de la poutre 

Cette parabole est une des plus connues de l’Évangile tant elle est juste. Nous sommes tellement plus rapides à déceler le moindre fétu dans l’œil de notre prochain qu’à nous observer nous-mêmes.

Une poutre dans un œil ? Si on essaye de visualiser l’image, elle a une dimension comique, outrancière, démesurée. Jésus force le trait pour nous forcer à nous regarder nous-mêmes dans notre façon de juger notre prochain

C’est le combat de toute une vie de retirer les différentes poutres qui encombrent notre regard. Si j’arrive au terme de ce combat, je pourrais alors m’occuper de la paille qui est dans l’œil de mon frère, mais ce jour-là, je ne la verrai plus, car mon propre regard ne verra en lui que l’enfant chéri de Dieu.

3e thème : Parabole de l’arbre et des fruits

Cette sentence est plus une comparaison qu’une parabole.

Pour nous aider à être un bon arbre, nous pouvons poser la question suivante : Comment cultiver la qualité de la terre qui nourrit notre arbre : Quelles activités, quelles rencontres, quelles lectures suscitent en nous de bons fruits (de la paix, de la patience, de la joie et de la bienveillance) ; et quelles activités, quelles rencontres, quelles lectures suscitent plutôt des mauvais fruits ; des épines et des piquants ?

Ce discernement personnel joue aussi au niveau spirituel. Certaines personnes, certains mouvements prétendent agir au nom de l’Esprit saint. Il convient d’observer les fruits qui sont produits. Si ce sont des fruits de guérison, de paix et de liberté, nous pouvons y voir l’esprit du Christ, mais si ce sont des fruits de division, de dépendance et d’enfermement, alors l’arbre n’est pas bon.

Une illustration

À propos de la paille et de la poutre, un sage raconte. À 20 ans, je n’avais qu’une seule prière : « Mon Dieu, aide-moi à changer le monde, ce monde insoutenable, invivable, d’une telle cruauté, d’une telle injustice. » Et je me suis battu comme un lion. Au bout de 20 ans, peu de choses avaient changé. Quand j’ai eu 40 ans, je n’avais qu’une prière : « Mon Dieu, aide-moi à changer ma femme, mes enfants, ma famille. » Et je me suis battu comme un lion pendant 20 ans sans résultats. Maintenant que je suis un vieil homme, je n’ai qu’une prière : « Mon Dieu, aide-moi à me changer », et voilà que le monde change autour de moi.

Le premier épître aux Corinthiens du 9 février (1 Corinthiens 15.54-58)

Mort, où est ton aiguillon ?

Le contexte – La première épître aux Corinthiens 

Paul écrit à l’Église de Corinthe parce qu’il a eu des nouvelles inquiétantes sur cette église qui connaît des problèmes graves. Dans le domaine de la théologie, certains en son sein contestent la résurrection. Il répond à cette question dans le chapitre 15 de son épître.

Au moment de conclure ce chapitre, on peut reprendre l’ensemble de son raisonnement qui se déroule en six temps

  • Christ est ressuscité et il s’est montré aux apôtres puis à cinq cents frères que vous pouvez interroger.
  • Il s’est ensuite révélé à Paul, ce qui a fondé son ministère d’évangéliste.
  • Par sa résurrection, le Christ ouvre une nouvelle ère de l’humanité, l’homme devenant alors un être pour la résurrection.
  • La résurrection n’est pas une simple survie, mais une transformation de toute la personne.
  • La résurrection de tous les vivants s’opérera à la fin des temps.
  • La résurrection est une espérance qui nous libère de la peur. 

Que dit le texte ? – Conclusion du traité sur la résurrection 

La foi en la résurrection n’est pas une occultation de la mort, mais une espérance posée sur la mort et qui permet de la dépasser. La mort n’est pas morte en ce que nous devons mourir, elle est vaincue en ce qu’elle a perdu son caractère ultime.

La méditation de cette espérance conduit Paul à l’action de grâce (Grâce soit rendue à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ !) et à l’engagement à approfondir sa foi (Soyez fermes, inébranlables, progressez toujours dans l’œuvre du Seigneur).

La reconnaissance et la progression sur le chemin de la foi sont les deux fruits de l’espérance de la résurrection.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Conclusion du sermon dans la plaine

Jésus termine son sermon dans la plaine par trois paraboles qui nous invitent à cultiver notre lumière intérieure, à ne pas juger notre prochain et à porter des fruits de vie. Si nous pouvons progresser sur ce chemin, c’est que nous sommes habités par l’espérance de la résurrection.

La résurrection n’est pas un cataplasme qui viendrait soigner notre peur de la mort, elle n’est pas une connaissance spéculative sur l’au-delà de notre vie, elle est une espérance qui nous pousse au changement de comportement. Si Christ est ressuscité et si nous sommes appelés à la résurrection, alors nous pouvons vivre l’évangile en cultivant la lumière intérieure, en portant sur notre prochain un regard bienveillant et en prenant soin de porter des fruits de vie en nous et autour de nous. 

Le livre des Proverbes du 2 mars (Proverbes 10.8-14,19-21 )

 La sagesse de la parole

Le contexte – Le livre des Proverbes 

Le livre des Proverbes contient des sentences que l’on trouve dans d’autres traditions de sagesses, mais le premier verset du livre l’attribue à Salomon. Le premier livre des Rois dit à son sujet que sa sagesse s’étendait à la connaissance de la nature : « Il a parlé des arbres, depuis le cèdre du Liban jusqu’à l’hysope qui sort du mur ; il a aussi parlé des bêtes, des oiseaux, des bestioles et des poissons (1 R 5.12-13). Au-delà des arbres et des animaux, la tradition dit qu’il avait une profonde connaissance de la psychologie et de la morale. C’est cette immense richesse qui est déployée dans ce recueil. Le but de ces maximes est de conduire le lecteur à la méditation et à la sagesse dans la façon d’organiser sa vie : « Si tu prêtes une oreille attentive à la sagesse, et si tu inclines ton cœur vers l’entendement ; oui, si tu appelles l’intelligence, et si tu élèves ta voix vers l’entendement, si tu cherches cela comme l’argent, si tu le recherches comme des trésors, alors tu comprendras la crainte du Seigneur et tu trouveras la connaissance de Dieu » (2.2-5).

Les chapitres 10 à 15 sont une collection de maximes diverses qui se présentent le plus souvent sous la forme d’antithèses qui marquent une opposition entre une bonne et une mauvaise attitude.

Que dit le texte ? – L’appel de la sagesse

Après avoir invité le lecteur à la sagesse, celle-ci se déploie essentiellement dans les paroles qui sortent de la bouche. Nous retrouvons l’enseignement de l’épître de Jacques à propos de la langue : « Par elle nous bénissons celui qui est Seigneur et Père, et par elle nous maudissons les humains qui sont à la ressemblance de Dieu. De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi » (Jc 3.9-10). Le propre du sage est qu’il sait qu’il ne faut pas trop parler pour que ses paroles aient du poids. 

Pour le sage, la parole juste est un trésor. De même qu’il y a des paroles qui édifient et des paroles qui tuent, il y a des silences qui parlent et des silences qui étouffent.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Conclusion du sermon dans la plaine

Dans le troisième évangile, Jésus termine son sermon dans la plaine par trois paraboles qu’on peut considérer comme des paraboles de sagesse qui résument son enseignement.
La parabole de l’aveugle nous rappelle qu’on ne peut guider son prochain si on n’est pas soi-même éclairé, ce qui est un appel à prendre soin de sa lumière intérieure.
La parabole la paille et de la poutre nous appelle à ne pas juger notre prochain mais toujours le voir avec un regard de compassion. 
La parabole de l’arbre et des fruits nous invite à porter attention aux fruits de nos paroles.
Ces trois paraboles peuvent se rapporter aux propos qui sortent de notre bouche.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Christine Pedotti, Antoine Nouis